VIDEO – Mondial de l’Automobile 2022 : Paris n’est plus magique

Drôle d’ambiance à la Porte de Versailles, à Paris. Le Mondial de l’Automobile, revenu après quatre ans d’absence, remonte difficilement la pente. Constructeurs absents, nouveau format, nouveaux exposants… Le monde de l’automobile change, le Mondial aussi. Petit retour sur cette édition, qui est aussi une déclaration d’amour à ce salon, la passion pour l’auto étant plus forte que tout. Je rêve de revoir un Mondial XXL, et surtout qu’il quitte Paris.

Les absents ont-ils toujours tort ?

Volvo avait initié le mouvement de désertion des salons. Au Mondial 2018, le phénomène était accentué, et certains espaces vacants avaient troublé les habitués du rendez-vous parisien. Arguments avancés : le coût des emplacements, l’absence d’actualité, la digitalisation qui modifie de fond en comble l’approche événementielle…

En 2022, rien que pour la partie constructeurs de voitures particulières, porte-drapeau du salon, on a plus vite fait de dénombrer les présents que les absents : Renault, Dacia, Alpine, Mobilize, DS, Peugeot, Jeep, Hopium, Aixam, GreatWall Motors (Ora et Wey), BYD, Vinfast, NamX, Seres… Contre une quarantaine de marques au Mondial 2010.

Le Mondial, ce n’est plus ce que c’était

J’avoue, je suis tombé de ma chaise en lisant sur un réseau social le post du patron d’un des partenaires des organisateurs du salon. Il traitait d’imbéciles ceux qui disaient que le salon n’est plus ce qu’il était. Le Mondial n’est plus ce qu’il était. C’est un fait. C’est dur à entendre quand on est impliqué dans l’organisation, mais c’est ainsi.

La faute aux constructeurs qui désertent ? La faute aux coûts de location des espaces ? Le Mondial en 2022, c’est trois pavillons pour tous les exposants : 3, 4 et 6, une journée « presse » et cinq ouvertes au public. En 2010, le Mondial occupait les 8 pavillons de la Porte de Versailles, dont le plus grand et emblématique, le numéro 1. Il s’étalait sur deux journées « presse » et seize jours pour le public.

Parions sur le fait que la bataille des chiffres et des photos de stands pleins et de file d’attente, arguant que le salon a fait le plein, va vite faire rage. Normal. Même en se basant sur une fréquentation quotidienne à peu près semblable à celle de 2018, celle-ci est répartie sur trois pavillons et non plus huit. Sachant que les stands des principaux constructeurs présents sont en général plus exigus qu’en 2018, vous obtiendrez à l’image l’effet désiré : celui d’une foule dense et compacte, puisqu’il y a moins d’effet de dispersion.

Renault joue le jeu

Quatre concept cars, dont un inédit. Le stand Renault, certes pas très grand, a joué le jeu : R5 prototype, R5 Turbo 3E, Scenic Vision (dans une nouvelle robe blanc satiné nettement plus valorisante que le noir d’origine) et surtout 4Ever Trophy, qui préfigure la réinterprétation de la Renault 4, électrique, qui sera produite en série dans l’usine de Maubeuge en 2025. La feuille de route du constructeur des deux prochaines années est là.

La conférence du patron de Renault, Luca De Meo, a tranché avec le ton solennel Carlos Ghosn des années précédentes, où il était question de chiffres, d’investissement, de business.

Luca De Meo a joué la fibre passionnelle, a clamé sa passion pour le salon de l’auto et la voiture en général, en félicitant ses équipes et en se laissant aller à quelques confidences « émotionnelles » qui parlent aux bagnolards. Il aimerait voir un jour une R5 Turbo 3E sur les routes du Turini avec « un héritier de Ragnotti » au volant. Et Luca De Meo de renvoyer la balle dans le camp des instances sportives qui pourraient, insinue-t-il, se lancer dans le rallye électrique ?

Cette R5 Turbo électrique assez délirante, « on pourrait la faire si on se développe » indique Luca De Meo. Autrement dit : pour l’instant, il faut de l’argent et les priorités sont ailleurs, mais il n’est pas interdit de rêver.

Plus drôle : Luca De Meo dit bien se souvenir de la Renault 11 Electronic : « elle était moche, mais elle parlait… » Voilà comment il présente le futur assistant personnel vocal Reno, qui sera introduit dans les futures R5 et R4.

Mes coups de coeur

La sélection des coups de coeur était difficile, les années précédentes, tellement les stands étaient nombreux, et monumentaux pour certains d’entre eux. En 2022, ça va tout de suite mieux. Alpine, je valide avec un concentré de passion et de vision pour l’avenir, avec une F1, le proto électrique Alpine Eternité (1 380 kilos pour un VE, c’est correct…), l’A110R (allégée grâce au carbone, mais 100 % thermique) et l’Alpenglow, aux lignes sublimes, qui parle d’hydrogène et de sport auto dans le futur.

Chez Peugeot, bravo pour l’exposition de l’hypercar 9X8, déjà vue en course et aussi en expo statique au musée des 24 Heures du Mans. La Peugeot 408 est présentée dans une sphère de trois tonnes et 223 m3 qui culmine à sept mètres de hauteur. La voiture est posée sur une structure qui tourne à l’aide de deux cerceaux de 5 mètres de diamètre.

Cette sphère spectaculaire avait été déployée en avant-première dans les jardins du Louvre Lens, dans le Pas-de-Calais. La voiture, elle, a une prestance incroyable que ne laissaient pas supposer les photos de présentation.

Chez Jeep, l’Avenger 100 % électrique et toute mignonne, malgré une sacrée ressemblance à l’avant avec le Dacia Duster. Dans le détail, le style de ce tout petit engin (4,08 m) fourmille de détails en référence au pedigree de la marque, avec par exemple le dessin d’une calandre de « vraie » Jeep intégrée dans le prise d’air du bouclier, ou encore le cache du radar d’aide à la conduite stylisé, tout comme l’entourage noir du pare-brise.

Le monde du quadricycle électrique, popularisé par la Citroën AMI, laisse entrevoir des autos qui donnent le sourire, tout comme La Microlino, qui réinterprète les anciennes Isetta. Chez XEV, la Yoyo embarque des racks de batteries amovibles, à échanger dans des stations dédiées. Voilà qui rappelle, en moins ambitieux, les stations d’échange Better Place mortes nées pour batteries complètes.

Les « artisans » fidèles au poste

La passion au salon, c’est celle qu’on peut « sentir » sur des stands pas forcément prévus dans le circuit de visite. Je retiens pour ma part quelques bêtes curieuses, dans le sens affectif du terme, sur le stand de l’association des constructeurs de petite série. Du sport, du vintage, du luxe, de la légèreté…

C’est ce que proposent Pantone, Devalliet, Babieca, Beltoise… J’aime aussi le principe de La Bagnole, signé Kilow. L’auto électrique essentielle à 13 000€ avec une tête de Jeep. Rafraîchissant !

Contre toute attente, j’ai été séduit aussi par le projet de Lormauto, une entreprise basée en Normandie, qui plaide pour la « voiture durable » sur une base de Renault Twingo.

L’entreprise a étudié un rétrofit sur base de Twingo première génération (quatre modules de batteries de 4 kWh chacun, moteur de 40 kW), remplace ce qui est usagé et modernise même l’auto (chauffage dans les contreportes en lin, nouveau garnissage de sièges, détection d’angles morts…) L’entreprise supporte les coûts de transformation des autos, et les met ensuite à la location, pour 200€ par mois. Voire 100€ en cas d’aides gouvernementales.

La passion, même sans constructeurs ? Mille fois oui…

Un stand affole les statistiques. Celui de Vilebrequin. Sylvain Levy et Pierre Chabrier, fondateurs de cette chaîne Youtube, cassent tout, au propre comme au figuré. Un stand de Youtubeurs à deux pas de ceux des constructeurs, qui y croyait ?

Sur leur espace, des autos maltraitées pendant leurs vidéos, des autos de rêve, et surtout leur 1000Tipla. Leur blague initiale, qui consistait à vouloir transformer un Fiat Multipla en bête de course de 1 000 chevaux, est devenue réalité, grâce à une communauté (les « loulous » ) qui a soutenu financièrement le délire.

Leur popularité est telle qu’elle suffit à attirer un public nouveau et hyper jeune au salon. Leur affaire coche toutes les cases, elle transpire la passion pour la bagnole. J’avoue, je préfère les voir chialer en conduisant une Ferrari V12 plutôt que de régler leurs comptes avec Franck Galiègue (Movie Cars central) dans une vidéo qui pue l’arrogance.

Un espace dédié au Youtube game automobile aurait toutes les chances de pulvériser ce que l’on connaît d’un salon. Akram, GMK, Boiserie, Vilebrequin, POG, chacun dans leur style, sont de vrais passionnés populaires. L’organisation du GPExplorer par un autre Youtubeur, Squeezie (40 000 spectateurs au Mans, un million sur Twitch) montre que le divertissement et l’événementiel autour de la bagnole se réinvente.

Dans le même ordre d’idée, j’adore l’idée que Netflix débarque avec un stand pour annoncer un film, Balle perdue 2, où des bagnoles (ici une R21 Turbo et une Mégane RS) sont des stars à part entière.

Idem pour les émissions de télé qui cultivent cette passion. En toile de fond, les rendez-vous avec les acteurs du film ou les animateurs (Le Tone, François Allain) peuvent constituer de beaux moments de partage avec le public.

Le doigt d’honneur de Citroën

Citroën a décidé de snober le Mondial. Soit. Le fringant centenaire a cependant une actu, avec le concept car Oli. Engagée dans une stratégie de communication basée sur l’humour et le décalage, la marque a bien entendu voulu faire l’événement en marge du salon.

Passe encore pour la petite vidéo de l’Oli qui circule dans le secteur de la Porte de Versailles, et qui passe devant les portes du salon… Une autre campagne de comm s’apparente à un insulte à l’histoire , avec le slogan « On n’a jamais fait une révolution dans un salon. » « Pas de salon pour notre concept-car électrique Oli, on préfère les pavés aux podiums. »

C’est « disruptif » , provocateur ou ce que vous voulez, c’est surtout malhonnête. La Traction en 1934, la 2CV en 1948 et la DS en 1955 ont commencé à révolutionner l’automobile sur des podiums. Oui, amisd de Citroën, souvenez-vous, la DS, cette auto mythique dont vous avez été dépossédé par votre jeune marque cousine créée en 2010…

Citroën, cette marque que j’aime tant, a toujours été un « grand » du salon en présentant nouveautés et concept-cars, avec la BX, l’AX, les Activa, Activa 2, Xanae… Qu’on tourne le dos à cette histoire ne me pose pas de problème, les temps changent et tout doit évoluer. Mais le faire en fanfaronnant, ça me gonfle.

Les nouveaux aux dents longues

Attention aux petits nouveaux aux dents longues, souvent chinois, qui présentent au Mondial des produits désormais à l’abri de nombreuses critiques, et orientés vers le tout-électrique. Attention, danger ? C’est la question récurrente depuis une quinzaine d’années. Qoros était l’un des plus crédibles, et n’est jamais arrivé en France.

BYD arrive avec une gamme et un distributeur en France. Vinfast, tout jeune constructeur vietnamien, annonce son implantation aussi avec deux SUV haut de gamme, et deux autres en projet.

GreatWall Motors présente l’ORA Cat Funky GT, pas hostile à pomper les univers Mini et de l’ex-Volkswagen Coccinelle. L’ORA Next Cat, elle, c’est la Panamera achetée sur Wish. Point commun de toutes ces marques ? Un positionnement premium, et un savoir-faire dans l’électrique crédible.

Reste à franchir le pas de la commercialisation sans histoire, sans réputation, et avec un « entourage » client à construire. L’aventure Tesla, sur ce modèle, a créé un précédent. Et les tarifs ? Plutôt élevés dans l’absolu, sauf s’il fallait comparer avec la concurrence européenne équivalente. Compter 30 % de moins sur l’addition au minimum en raison de coûts de fabrication… incomparables.

La connerie à son apogée

Au Mondial, un espace était dédié à l’exposition de 16 Ferrari exceptionnelles, prêtées par des collectionneurs, au profit d’une opération de récolte de dons pour la Fondation Perce-Neige, créée par Linno Ventura, et qui vient en aide aux personnes handicapés.

Contre 5€, il était possible d’approcher de près ces autos. Une très belle opération gâchée par des activistes extrémistes pro-climat qui se sont introduits sur le stand et ont dégradé des voitures en les aspergeant de produit et en se collant les mains sur certaines.

Défendre une cause par la violence (la dégradation en est une forme), c’est ce qu’on choisi ces crétins. Dans un tweet, un adjoint écolo extrémiste à la maire de Paris, David Belliard, a félicité les activistes. Pas étonnant : cet élu ne peut soutenir autre chose que le saccage, c’est ce qu’il fait de mieux dans sa ville. Organiser un salon dans une ville on ne peut plus ouvertement autophobe, ça relève de l’exploit.

Evidemment que le tout-bagnole tout le temps et partout n’a pas de sens. Pour mon déplacement au Mondial depuis le Pas-de-Calais, c’était TGV-navette à l’aller puis métro-TGV au retour qui ont été privilégiés. Résultat : 15 minutes de retard du TGV, et 45 minutes pour les Néerlandais prévus dans la navette le dimanche. Lundi soir : interruption du trafic du métro pendant quinze minutes, et arrivée e « mon » TGV en gare de Béthune avec… tadaaam, 214 minutes de retard. Oui, trois heures trente-quatre de retard. La veille d’une grève. On en parle ?

L’hydrogène, on y croit ?

NamX, une toute jeune entreprise franco-marocaine, a présenté son HUV, un gros SUV coupé dessiné par Pininfarina, qui embarque des capsules d’hydrogène amovibles. Pourquoi pas, mais je n’ose pas imaginer ce que les autorités pensent de la possibilité de se balader, hors d’une voiture, avec une telle cartouche à la main.

Chez Stellantis , la production d’utilitaires (Expert, Jumpy, Vivaro) convertis à l’hydrogène dans une ancienne usine Opel à Russelsheim, a commencé.

Pour la faire courte, il s’agit d’utilitaires électriques de série, produits à Hordain, dans le Nord, expédiés en Allemagne pour y être convertis à l’hydrogène : les bonbonnes totalisant 4,4 kilos prennent la place des batteries.

Le système Fuel Cell et son électronique de gestion sont installés, ainsi qu’une batterie de Peugeot 508 : (l’énergie y est puisée pour les phases de démarrage et de faibles allures). Prix de chaque utillitaire : 116 000 € hors taxes, et une phase d’exploration du marché, avec un véhicule qui tourne et qui prévoit 400 km d’autonomie, et 5 minutes pour recharger les bonbonnes d’hydrogène.

Le thème de l’hydrogène renvoie vers le stand Hopium, qui a cristallisé l’attention sur ce Mondial 2022. Chapeau aux équipes pour avoir imaginé une voiture aussi sublime. Mais je regrette que sur ce stand immense et vide (c’est voulu), aucune démonstration technique ne vienne étayer le dossier.

Car la voiture est promise à la vente autour de 120 000€ avec une production en série en 2025 dans une usine en Normandie qui n’est pas encore debout. Hopium lève des fonds, est cotée en bourse et aurait engrangé mille réservations. Parfait. Bravo aux pionniers prêts à mettre cette somme dans une auto qui évoluera dans un écosystème où les stations d’hydrogène sont encore clairsemées.

C’est vrai, c’était pareil pour les voitures électriques quand Carlos Ghosn avait déroulée de manière bien isolée son plan VE et ses quatre milliards d’investissements en 2010…

J’ai envie d’y croire, je salue l’audace et le talent des équipes, mais il est selon moi urgent d’attendre et de juger sur pièce. Hopium a déclaré que le proto de la Machina tournait sur piste. Pourquoi ne pas les croire ? Aucun des journalistes se pâmant devant la Machina Vision au Mondial n’a vu de ses yeux la voiture rouler.

Souvenez-vous de l’Exagon Furitv e-GT présentée en 2010. Une sportive électrique française luxueuse et performante, vendue 400 000€ l’unité avec des commandes fermes à l’époque. Vue sur la route ? Jamais. Mais la base technique a été récupérée par DS pour son concept E-Tense.

Avant la clôture du salon, Hopium a signé un protocole d’accord pour la fourniture « potentielle » de 10 000 voitures à une filiale du Crédit Agricole. « Vous voyez déjà ce que ça fait 1 000 voitures, Larmina ? » ai-je envie de dire. Jean-Baptiste Djebbari, le président du conseil d’administration d’Hopium, se satisfait d’un contrat à 1,2 milliard d’euros. Bravo, le compte est bon. 10 000 voitures à 120 000 €, ça fait bien 1,2 milliard. Tema la taille du rat, même pas une petite ristourne pour une banque qui t’achète 10 000 bagnoles…

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