La Peugeot 206 CC, née en 2000, est un collector en devenir. Sa création est une histoire singulière, née chez Heuliez, dans les Deux-Sèvres. De sa propre initiative, le bureau de style France Design se penche sur l’étude d’une version à toit rétractable de celle qui deviendra la Peugeot 206. La direction d’Heuliez fait alors le forcing pour présenter son idée chez Peugeot. Les ingénieurs tapent fort en présentant des maquettes fonctionnelles qui vont aider à forcer le destin.
Jean-Marc Guillez, qui a lui-même sorti plusieurs croquis d’un cabriolet à toit rétractable reposant sur la 206 alors en gestation, avoue avoir été séduit par la petite berline en cours de conception chez Peugeot. Heuliez avait été consulté pour étudier une déclinaison sportive de la future petite voiture devant remplacer la 205 plusieurs années après son retrait du marché. Les designers Heuliez avaient connaissance de la physionomie de la nouvelle auto, et toutes ses définitions numériques.
La séduction avait opéré : « Elle était très belle, la 206, très adaptée pour faire ce genre de véhicule. C’est pour ça qu’au style Peugeot ils ont été très intéressés quand ils ont vu ça, explique Jean-Marc Guillez, faisant allusion aux premières études et aux dessins. Ils ont dit : ce véhicule, il faut le faire. On a fait une petite maquette à l’échelle, pas motorisée. Ca fonctionnait manuellement. On faisait fonctionner le toit, on ouvrait la malle, on avait des sièges à l’arrière, ça faisait l’habitabilité, on pouvait monter à l’intérieur, on fermait le toit, on montait derrière… Cette fois, c’était une vraie maquette. On l’a envoyée chez Peugeot, ils l’ont mise dans la grande salle de présentation et là, pareil, tous les directeurs passaient. Ils montaient à l’intérieur, ils regardaient. C’est là que c’est parti. On a attendu quelques mois, on a eu des réunions, on a présenté notre projet, parce qu’il commençait à devenir un peu plus abouti. Ca commençait à prendre forme. » Mais la décision finale tarde à être prise.
« Un jour, ils nous appellent : voilà on est intéressés par votre projet, il faudrait que vous nous fassiez un véhicule pour le Salon de Genève 1998. » , précise Jean-Marc Guillez.
Heuliez a l’habitude de réaliser des prototypes pour les constructeurs, des études confidentielles, mais aussi ses propres concept-cars de salons extrêmement bien présentés. Un savoir-faire qui remonte à la présentation de la SM Espace, du Taxi H4, du coupé Simca, et, plus récemment, du Peugeot Agadès et de la Citroën Scarabée d’Or.
Au début des années 1990, Heuliez marque les esprits avec des voitures réalistes : le cabriolet Citroën ZX Vent d’Ouest, la Renault Safrane Long Cours, la Citroën Xantia Buffalo, ou encore l’Intruder, avec des dessous de Mercedes G. Ces autos ont pour but de démontrer le savoir-faire du carrossier, et, par extension d’attirer les fabrications en série dans son usine de Cerizay.
Dans le cas de la réalisation de la Peugeot 20Coeur, Heuliez sollicite tous ses métiers d’excellence. Il s’agit avant tout de transformer la carrosserie d’une voiture existante. Découpes, renforts, adaptations des nouvelles pièces, peinture, sellerie sont entrepris. C’est une petite fourmilière qui s’active autour du nouveau bébé de la maison. Dans son dernier ouvrage, Scoops Automobiles, Christophe Bonnaud explique que la voiture qui a servi de « donneuse » au concept-car, c’est un prototype roulant de la 206 qui avait été débusqué par un photographe… au Kenya. Et qui avait fait naturellement la Une de L’Auto-Journal.



















« On a réalisé le véhicule salon, il s’appelait le 20Coeur. On l’a terminé le 31 décembre 1997. Je m’en, souviendrai toute ma vie. On a terminé le véhicule le soir du réveillon à 21 h, et on allait tous réveillonner après. A 20 h 30, on l’avait arrosé au champagne. »





Ce soir-là, la voiture devait être prête à partir en Afrique du sud pour un shooting photo. Mais tout ne ne passe pas comme prévu. Le toit du concept-car ne répond pas… « Il ne marchait plus, au dernier moment ça me marchait plus. Notre électricien regarde, c’était juste un faux contact. Il l’a réparé, on a eu un peu peur. Tout le monde est parti à 21 h…. » se souvient Jean-Marc Guillez.
Le concept-car, nommé Peugeot 20Coeur, a été présenté au Salon de Genève 1998, comme prévu. Il est présenté également au Mondial de l’Automobile, à Paris, en 1998 (photos ci-dessous) avec la 206 Escapade, prévisualisation d’une version baroudeuse.
L’épisode du Salon de Genève 1998 a généré quelques tensions entre Peugeot et Heuliez, comme le détaille Jean-Marc Guillez : « Ils ont eu le culot de présenter ça sur le stand Peugeot. Avant que le véhicule soit fini, toute l’équipe Peugeot est venue, tous les directeurs sont venus, et tous l’ont adoré. Ils ont voulu le présenter sur leur stand. On a dit non, quand même, c’est notre idée, c’est nous qui l’avons fait, mais d’un autre côté on s’est dit : si c’est présenté sur le stand Peugeot, ça aura plus de notoriété. »




Histoire de répliquer et de garder en quelque sorte la main sur son bébé, l’équipe Heuliez a une idée : ressortir et réaliser un deuxième exemplaire modifié d’un de ses concept-cars, l’Intruder… en moins de trois mois. « A partir de cette base là, on a fait le toit dur de la 206 CC, exactement le même, sur l’Intruder. Et on l’a présenté en 1998 au Salon de Genève en même temps que la 206 qui était sur le stand Peugeot. Comme ça, tout le monde a su que c’est nous qui l’avions fait, de toute façon. »
Un choix malin : le public et surtout les constructeurs clients potentiels d’Heuliez ne pouvaient pas vraiment voir fonctionner le toit de la 20Coeur, protégée de barrières comme tout bon concept-car. « Les gens qui ne pouvaient pas voir le véhicule fonctionner sur le stand Peugeot venaient chez nous. Et c’est Peugeot qui les envoyait chez nous. Chez nous, les gens montaient dans la voiture, ils appuyaient sur le bouton, ils faisaient marcher le toit, ils avaient toutes les informations nécessaires, toute l’histoire du véhicule. Et voilà comment c’est parti. »
Trois mois après le Salon de Genève, se souvient Jean-Marc Guillez, Peugeot contacte Heuliez en vue du lancement de la voiture en série. Les réactions du public et de la presse face à la 20Coeur ont été tellement positives que la décision finale a été favorable au petit coupé-cabriolet. « C’était une histoire extraordinaire » , résume Jean-Marc Guillez. Un autre combat commence pour Heuliez…
La suite (et la fin) dimanche 6 août : L’incroyable histoire secrète de la Peugeot 206 CC, chez Heuliez (4/4) : le bras de fer puis le carton