La Peugeot 206 CC, née en 2000, est un collector en devenir. Depuis quelques années, la plupart des constructeurs généralistes ont tourné le dos aux petits cabriolets, considérés comme un produit de niche et coûteux à mettre au point. La création de la 206 CC, c’est une histoire singulière, née chez Heuliez, dans les Deux-Sèvres. Le carrossier était à l’époque un partenaire de premier plan du groupe PSA Peugeot-Citroën…
Au cours de sa longue et riche histoire, le carrossier Heuliez a toujours été un partenaire de premier choix de nombreux constructeurs, pour imaginer ou fabriquer des dérivés de modèles existants. Depuis les années 1960, le bureau d’études Heuliez foisonne d’idées et multiplie les propositions « secrètes » qui sortent rarement des studios. Engagé aussi dans une véritable démarche industrielle qui le mène au statut de constructeur, Heuliez se spécialise dans les fabrications de petites et de grandes séries.
Fort de toutes ces cordes à son arc, Heuliez est un partenaire incontournable chez PSA, d’autant que les hommes de chaque camp s’entendent plutôt bien. Jean-Marc Guillez, patron du bureau d’études d’Heuliez, France Design, en garde un souvenir ému : « Les contacts avec Gérard Welter et Peugeot n’étaient plus des contacts… C’était presque des amis. On participait, on aidait Gérard Welter pour son véhicule du Mans. Lui, ça le servait, on le finançait un peu, et nous ça nous permettait d’avoir des contacts avec le design Peugeot. »
C’est dans ce contexte d’échanges permanents qu’au début des années 1990, un projet Peugeot arrive chez Heuliez, à Cerizay. Nous sommes en 1992, et Peugeot imagine un petit Spider à toit dur rétractable. Cette technologie, Peugeot l’a utilisée dès 1934, exploitant une invention de Georges Paulin, qui est parvenu à mettre au point avec Marcel Pourtout un toit rigide escamotable. Ainsi naissent les Peugeot Eclipse.
Jean-Marc Guillez raconte : « Le petit Spider a été à deux doigts de sortir, pour des questions d’investissement. Là c’est une demande Peugeot avec un brevet, qui datait du début du siècle, de toit dur qui s’ouvrait. C’était juste un toit qui se repliait en une seule partie. Ce n’était pas encore trop sophistiqué. On ne parlait pas trop de cabriolet, mais de petit spider. C’était un des premiers à avoir le toit dur. Le dessin vient de Peugeot. A partir de là, ils nous ont demandé de réaliser la maquette et potentiellement la fabrication derrière, qui n’a jamais eu lieu parce que le véhicule n’est jamais sorti. Il était prêt à sortir, il était très abouti. On a fait la maquette plus le premier prototype roulant. C’était sur une base connue. »
Cette voiture restée à l’état d’étude fait la Une de L’Auto-Journal numéro 454 du 2 janvier 1997. Cinq ans après la réalisation du prototype chez Heuliez, l’excellent Christophe Bonnaud (précipitez-vous sur son non moins excellent Lignes/Auto) y explique que le projet ne passera probablement pas le stade d’étude tué par les financiers de la maison, qui ont pourtant bourse délié pour la 306 cabriolet et la 406 Coupé. « Cette maquette a été réalisée sans cahier des charges, à la seule initiative du design Peugeot. Elle ne découle d’aucune demande de la direction générale et c’est sans doute pour cela que Jacques Calvet nie son existence et aurait refusé d’étudier l’investissement nécessaire à l’industrialisation de ce Spider » , écrit le Monsieur Projets secrets du journal à l’époque.
Il poursuit, plaidant la cause du jouet… et d’Heuliez : « Pourtant, avec sa plateforme technique existante, avec sa planche de bord empruntant de nombreux éléments à celle de la berline 106, avec ses motorisations connues et la possibilité de fabriquer ce petit engin chez Heuliez Automobiles, le coût de production devrait, en théorie, demeurer dans les limites du raisonnable. » Bien que très bien informé, Christophe Bonnaud ne parle pas du principe du toit en dur rétractable.
L’article est publié dans L’Auto-Journal plusieurs mois après un événement décisif, qui a lieu en 1996. Comme si c’était un coup de pression de l’auteur qui savait ce qui se tramait dans les Deux-Sèvres, indiquant implicitement qu’il ne faudrait pas réitérer l’erreur de la non-production de la plus que charmante 106 Spider imaginée en 1992, rappelons-le.
En 1996, comme les années précédentes, une équipe d’Heuliez est présente au Salon de Genève. « Mercedes présentait le SLK avec un toit dur. C’était un véhicule assez particulier, ils voulaient le fabriquer. C’était un véhicule très haut de gamme, un petit Spider. En 1996, quand on a vu ça, on s’est dit… Bon… En revenant de Genève, dans le train, en discutant, on s’est dit : tiens, c’est ça. Il faut qu’on parte là-dessus. Avec le projet S16, on avait connu un petit peu ça, mais six ans avant. On s’est dit il faudrait qu’on fasse un truc comme ça. Et on n’en a plus reparlé. » note Jean-Marc Guillez, retourné avec son équipe à aux projets qui les attendaient dans leurs locaux du Pin, dans les Deux-Sèvres.
A suivre : Maquette magique (2/4)