En 1997, les trois constructeurs français prétendent inventer un segment, celui des « ludospaces ». Autrement dit, il s’agit de rendre ludique et familial un banal utilitaire léger. Chez Peugeot, on voudra même aller plus loin dans le côté « fun » avec l’aide du carrossier Durisotti.
En 1997, Renault, Peugeot et Citroën tendent de séduire le chaland en prétendant que leurs utilitaires légers peuvent faire l’affaire des petites familles avides de volumes et d’aventures au grand air. Selon qu’il s’agisse de PSA ou de Renault, on ne s’y prend pas de la même manière.
Dans les années 1990, Renault avait profité du restylage de son Express, dérivé de la Supercinq né en 1985, pour en extrapoler une version à banquette arrière, vitrage latéral complet et hayon. Mieux que les portes battantes de l’utilitaire ? Oui, mais sans portes arrières latérales, l’accès à bord est relativement merdique.
Arrive le Mondial de Paris 1996. Citroën sort le grand jeu… à partir de ce qui sera son futur utilitaire star, remplaçant du C15. Citroën présente trois concept-cars, trois visions d’un engin ayant pour base commune celle du futur Berlingo de série : le Berlingo Berline Bulle, berline rondouillarde très habitable à cinq portes ; Berlingo Grand Large, quasiment celui de série en version familiale, jaune, avec jantes alu de Saxo et immense toit ouvrant en toile ; et enfin le pick-up Coupé de Plage, présenté comme le meilleur ami des surfeurs et des planchistes.
Quand apparaît le Berlingo « VP » de série, patatras. Ce n’est ni plus ni moins quele plus sage des trois, le Grand Large, qui a de surcroît conservé son principal défaut. Il n’a pas de portes latérales à l’arrière. Le souvenir de la galère de l’accès à bord du Renault Express n’a pas servi de leçon.
Qu’il s’agisse de véhicules particuliers ou utilitaires, les Citroën Berlingo et Peugeot Partner sont commercialisés avec cette belle tare, surtout quand on veut le vendre aux familles actives. Ok, mais il va falloir s’adresser aux enfants contorsionnistes. D’autant que Renault, lui, sort une carte maîtresse en même temps : l’Express est remplacé par le Kangoo. Nom changé, aussi jovial que le dessin rondouillard et… porte latérale coulissante ! Bim dans la calandre du duo PSA.
Peugeot est toujours resté en retrait dans cette bataille du « ludospace » qui n’a que pour seul avantage de proposer un volume intérieur de chargement hors normes en hauteur. Mais le Sochalien tente quand même un « truc ». Il sollicite le carrossier Durisotti, installé à Sallaumines, près de Lens, pour étudier et mettre au point une version baroudeuse de son Partner.
Peugeot et Durisotti se connaissent plutôt bien. Le carrossier, qui est l’un des trois grands français à l’époque, avec Gruau, et Heuliez, a l’habitude de transformer des véhicules utilitaires de la marque au Lion, mais aussi toutes sortes de véhicules pour la police et la gendarmerie, ce qui est encore le cas aujourd’hui avec notamment les dernières Alpine A110. En 1985, Durisotti a même planché sur un dérivé utilitaire de la Peugeot 205 : une coque monobloc en polyester moulé est greffée sur la 205, ainsi mue en fourgonnette. La 205 Multi est vendue à plus de 6 000 exemplaires, mais Durisotti doit partager la production avec Gruau.
En 1993, Durisotti va plus loin. Peugeot demande au carrossier d’étudier une « vraie » fourgonnette à partir de la 205. Selon Durisotti, le prototype est réalisé en deux mois, il prévoit une carrosserie en polyester moulé. Le projet est accepté par la direction de Peugeot. Les premières 205 F sortent des chaînes de Durisotti six mois plus tard. Les prévisions faisaient état d’une production de 16 Peugeot 205 F par jour. Durisotti en a fabriqué 33 quotidiennement jusqu’en mai 1996, soit plus de 10 000 utilitaires produits dans les ateliers de Sallaumines.
Sur le Partner, Peuget et Durisotti ont une autre idée : en faire un crapahuteur, tout du moins dans la suggestion, pour une production en petite série envisagée dès septembre 1998. Mécaniquement, on ne touche à rien. Le Partner Grand Raid de Durisotti est un classique deux roues motrices (la transmission 4×4 et la surélévation sont une spécialité de Dangel, envisagée en option).
L’essentiel du travail porte sur la carrosserie, avec des protections intégrales en plastique vissées sur les panneaux de carrosserie, un pare-buffles, et une protection des feux arrières. Pour le design, ce Partner reçoit les jantes alu optionnelles de la 306 XT.

Le plus intéressant se passe dans le compartiment arrière, qui bénéficie d’une importante transformation. Le Partner Grand Raid reçoit un hard top vitré sur deux niveaux, qui peut être remplacé par une bâche. Les deux demi portes sont battantes, indépendamment de la vitre arrière, qui peut être relevée. L’une de ces portes reçoit une roue de secours proéminente. C’est donc un deux-en-un modulable : découvrable ou « break » en dur. Dans l’idée et dans le concept, il y a un peu du Matra Rancho, étudié sur une base d’utilitaire Simca, et qui avait été un des pionniers du véhicule de loisir un peu baroudeur, que l’on n’appelait pas encore SUV.
Le Partner Grand Raid a bien été présenté, dans une couleur jaune qui le rendait plutôt attirant avec son hard top arrière contrasté. Mais au dernier moment, Peugeot décide… de ne pas appuyer sur le bouton de la production chez Durisotti, alors même que l’engin avait été testé en Afrique par des journalistes.
Ironie de l’histoire, Renault a par la suite présenté un vrai Kangoo 4×4. Peugeot et Citroën ont réparé leur boulette à coup de millions de francs en dotant leurs Partner et Berlingo d’une porte latérale coulissante. Et Peugeot a bien réutilisé le nom « Grand Raid » pour son Partner, en l’équipant d’un système de motricité renforcé. Mais Durisotti n’a en revanche pas eu droit à son moment de gloire associé à cette version.
Pour le souvenir, il lui reste un exemplaire, caché sur son site de Sallaumines, repeint dans un blanc nettement moins seyant que le jaune originel.



