Les maquettes de projets secrets s’échappent rarement de leurs bureaux d’étude. Quand elles quittent leur berceau, c’est en général pour être détruites. Ou pour rejoindre des réserves, au mieux. Le cas de ce proto Heuliez, nommé 4435, est quelque peu différent. Le mécanisme électrique du toit rétractable fonctionne toujours. C’est exceptionnel, pour un tel engin !
Le prototype 4435 d’Heuliez, qui aurait pu en réalité représenter la descendance de l’Opel Tigra TwinTop, est mort-né. Sa genèse, je l’avais racontée ici en détail, tout comme son destin funeste, qui précipita aussi les difficultés et la fin du carrossier Heuliez.
C’était au milieu des années 2000. Heuliez, au fil de son histoire, s’est constamment adaptée et transformée à l’évolution de l’industrie automobile. Depuis le début du XXe siècle, le charron est devenu un acteur de la mobilité, d’abord avec ses carrioles, puis en transformant des automobiles, en créant des autocars, des véhicules publicitaires, pour devenir un partenaire industriel de premier plan pour de nombreux constructeurs. Un sous-traitant dévoré par une telle ambition qu’il est devenu constructeur à part entière, en plus d’être un bureau d’études prolifique.
Heuliez a assemblé des petites séries dans les années 70 et 80 (Citroën M35, Peugeot 604 et Renault 25 limousine, Citroën BX 4TC) avant de prendre encore plus d’envergure avec les productions des Citroën BX, XM et Xantia break. C’était avant l’ère du coupé-cabriolet : Heuliez a produit les modules de toit rétractable et malle de la Peugeot 206 CC, lui permettant d’accéder au rang de spécialiste mondial du coupé-cabriolet.
Une réussite qui lui a permis de décrocher les études et la fabrication complète de l’Opel Tigra TwinTop. La petite allemande à deux places connaissant un succès en demi-teinte, Heuliez s’est remis au boulot pour plancher sur la remplaçante de la TwinTop, avec un nouveau toit, et une architecture en 2+2.
Mais General Motors a subitement arrêté les frais, et le prototype 4435, fonctionnel pour la partie toit rétractable, est devenu un démonstrateur, avant de prendre le statut de pièce de musée. Comme d’autres concept-cars imaginés au fil de l’histoire d’Heuliez, le 4435 a rejoint le « conservatoire » de l’usine de Cerizay, témoin parmi d’autres d’un passé richissime de créativité.
Pas aussi abouti sur le plan du style qu’un véritable « show car » de salon, le prototype 4435 a l’avantage de révéler ce que sont les coulisses d’un bureau d’étude : plus de besogne, moins de paillettes. Et quand les difficultés ont étranglé Heuliez, le patrimoine de la maison a été dispersé en deux fois.
Le prototype 4435 a été acquis aux enchères par l’association Deux Sèvres auto mémoire et mis à l’abri. Et c’est exceptionnel, le mécanisme de toit rétractable est toujours fonctionnel. Le mouvement d’un toit est à mes yeux un moment « magique » à regarder avec des yeux de gosse. Il l’est d’autant plus qu’il s’agit ici d’une auto « secrète » qui n’a jamais vu le jour.