Carlos Tavares, le directeur général du groupe Stellantis, a passé la journée de vendredi dans l’usine de moteurs de Douvrin, dans le Pas-de-Calais. L’occasion de faire un point sur l’avancement du dossier de construction d’une usine voisine, la première Gigafactory française, qui sera exploitée par Automotive Cells Company, dont Stellantis est actionnaire, avec Saft. La mise en place des moyens de production, coûteuse, doit aller (très) vite. Comment le groupe s’organise-t-il ?
La première Gigafactory française, qui sera construite à Billy-Berclau, dans le Pas-de-Calais, doit être mise en service au deuxième semestre 2023. Le chantier devrait démarrer début 2022 sur un terrain de 34 hectares autrefois propriété de PSA, et sur lequel on trouve encore quatre bâtiments industriels de l’ancienne Française de mécanique, aujourd’hui désaffectés.
Cette Gigafactory est l’une des deux pour l’instant programmée par Automotive Cells Company, une coentreprise créé par Stellantis et Saft, qui prévoit une usine en France et une autre à Kaiserslautern, en Allemagne, pour une capacité totale de 48 GWh (24 GWh sur chaque site) à l’horizon 2030.
Avant la mise en service des deux Gigafactories, ACC construit un centre de recherche et développement à Bruges, en Gironde, et une usine-pilote à Nersac, en Charente. Pour donner un ordre d’idée, la construction de la Gigafactory de Billy-Berclau représente un investissement de deux milliards d’euros, pour trois blocs d’une capacité de 8 GWh chacun. Dix-huit mois de délai sont nécessaires pour la construction de chaque usine, hors délais administratifs.
Ces deux premières Gigafactories, totalisant 48 GWh, ne sont que le premier étage de la fusée de la stratégie d’électrification à marche forcée chez Stellantis, imposée par des décisions politiques quant aux réductions des émissions de CO2, voire l’interdiction à venir de la vente de véhicules à moteur thermique en Europe. Véhicules thermiques qui risquent par ailleurs également l’interdiction d’accès à certaines villes.
Dans ce contexte réglementaire mouvant, Carlos Tavares avait estimé, lors de la première assemblée générale des actionnaires de Stellantis et de la présentation de la stratégie « plateformes dédiées aux véhicules électriques » du nouveau groupe, que le besoin en batteries était de 250 GWh en 2030, répartis équitablement entre l’Amérique du Nord et l’Europe. Les 48 GWh déjà actés en France et en Allemagne ne sont donc pas suffisants a priori. Le 8 juillet, Carlos Tavares donnera davantage d’indications sur le déploiement de Gigafactories dans le monde.

Une nouvelle option européenne est située en Italie, selon Carlos Tavares, en raison de l’origine des marques composant l’ancrage européen de Stellantis : « Nous avons engagé des conversations avec le gouvernement italien pour en implanter une en Italie compte tenu du fait que nos avons une grosse partie de notre activité qui est issue des marques Fiat, Lancia, Alfa Romero, Maserati. C’est une possibilité qui prend jour, mais qui n’est pas encore décidé. Ce qui est évident, c’est que même dans un schéma de trois usines européennes, on aura à augmenter les capacités par rapport à ce qui est actuellement décidé, y compris pour Douvrin et Kaiserslautern. »
« À partir du moment où nous avons une implantation industrielle, nous avons besoin d’un certain niveau de concentration pour avoir une efficacité industrielle de bon niveau. La capacité se compte par lignes de 8 GWh, c’est clair qu’une fois qu’on est installés quelque part, si on a besoin de plus, c’est dans ces lieux-là où on va préférentiellement investir« , précise Carlos Tavares.
La Gigafactory de Billy-Berclau sera érigée sur un terrain de 34 hectares, dimensionné pour accueillir jusqu’à quatre blocs de 8 GWh chacun. Trois sont pour l’instant prévus. Un quatrième, qui n’est donc pas exclu, demande environ 600 M€ d’investissement.
Toutefois, Stellantis ne s’approvisionnera pas uniquement auprès d’ACC, prévient Carlos Tavares. « Nous allons nous approvisionner auprès de différents partenaires, car il est important de rester dans la course. Entre 2021 et 2025, le point essentiel, c’est la vitesse à laquelle on va réduire les coûts du KWh pour rendre la voiture électrique abordable, puisqu’aujourd’hui elle ne l’est pas. C’est un des gros enjeux de l’industrie automobile que de réussir dans des espaces de temps très courts à rendre le véhicule électrique abordable sans quoi le mix de ventes de voitures électriques n’atteindra jamais les niveaux nécessaires pour éviter les amendes de l’Union européenne. »
Si le « parc » de Gigafactories n’est pas encore figé, c’est le cas également du pool de partenaires actionnaires d’ACC. Le rôle de Renault a été plusieurs fois évoqué, comme des discussions avec Luca De Meo. Renault s’est engagé avec Envision pour construire une Gigafactory à proximité de son usine de Douai, qui assemblera les futures Megane-e et Renault 5 électrique. « Pour l’instant, au niveau du business, on n’a pas encore trouvé de solution qui nous convienne à tous les deux. Il y a effectivement des discussions en cours, elles sont plutôt productives, mais nous n’avons pas encore trouvé un point d’équilibre qui nos satisfasse l’un et l’autre. Donc on va continuer à discuter. La position de principe de Stellantis est très simple : nous sommes favorables à l’arrivée de Renault dans ACC. Néanmoins, il faut que les deux actionnaires d’ACC soient d’accord pour dire que nous avons là une proposition gagnant-gagnant. »
Si Renault ne devenait pas actionnaire d’ACC, d’autres partenaires (constructeurs automobiles ou non) sont-ils sur les rangs, ou tout du moins recherchés ? « C’est une réalité plus qu’une option, puisque nous avons des contacts avec d’autres constructeurs, qui sont très intéressés par ce que nous cherchons à construire. Evidemment, je ne veux pas vous dévoiler les noms de ces constructeurs, c’est prématuré. Mais c’est une réalité« , indique Carlos Tavares.
Un actionnariat potentiellement composé de Stellantis, Saft, Renault et d’autres, serait donc envisageable. « Pourquoi pas, on ne peut pas l’exclure. Ce qui est important, c’est que ça apporte à ACC à la fois une capacité d’investissement plus importante, éventuellement des compétences supplémentaires. Ce que nous voulons c’est qu’ACC soit l’entreprise de batteries la plus compétente possible. Nous restons dans une approche de contrôle de la technologie, on pourrait dire de souveraineté technologique, puisque nous restons sur un périmètre européen en terme d’approche. Nous voulons faire en sorte de maîtriser ce que nous faisons, à la fois sous l’angle capitalistique, de l’investissement, comme sous l’angle de la maîtrise de la technologie et surtout de la maîtrise de la propriété intellectuelle. Nous sommes dans un monde où la compétition par la propriété industrielle sur chacune des technologies est féroce. Nous voulons rester en contrôle de la technologie donc de la propriété industrielle, donc avec des partenaires qui représentent pour nos entreprises un soutien sans risque géopolitique. »