Les « voitures de plage », joie, bonheur et simplicité

Dans la production automobile, les « voitures de plage » sont un genre particulier. A la fois cabriolet, utilitaire, reposant sur une base technique de citadine simple, la voiture de plage véhicule une certaine image du bonheur sur quatre roues. Simple, sans chichis et au soleil. Petit retour non exhaustif sur quelques « exemples » sea, sex and… fun.

Si l’on vous dit « voiture de plage »… Spontanément vous penserez à la Citroën Méhari. Le concept a effectivement été popularisé par elle et la Mini Moke, qui répondent alors à un cahier des charges allégé : la bagnole doit être pratique, modulable, simple, solide. Pas forcément performante puisque son rayon d’action est restreint et que son rôle est secondaire. L’idée : balader des caisses d’huîtres, une planche à voile, du matos de pêche sur quelques kilomètres en toute décontraction, lunettes de soleil vissées sur le nez. Ca, c’est la vision idyllique. Car la caisse de plage est avant tout un utilitaire qui n’a pas vocation à faire rêver. Un peu comme une Jeep, dont on pourrait se débarrasser des quatre roues motrices, les capacités de franchissement hors pair n’étant pas indispensables.

La reine d’entre elles serait donc la Citroën Méhari, qui débarque au printemps 1968. Elle suit de peu la Mini Moke, commercialisée dès 1964 par la British Motor Corporation et initialement conçue pour l’armée britannique. Mais la voiture est devenue assez chère : 73.700 F par exemple en septembre 1992, l’équivalent d’une Renault Clio 1.4 RT haut de gamme à l’époque.

Avant elles, c’est la Fiat 600 qui, la première, a été transformée en « Spiaggina » (voiture de plage) par le carrossier Ghia. En 1956, la Fiat 600 Jolly enlève le haut et dispose de sièges en osier. L’orientation loisirs est clairement marquée, et elle devient populaire car utilisée par des stars de l’époque. En 2006, Fiat rend hommage à cette puce glamour en présentant la Panda Jolly, qui demeurera à l’état de concept-car.

Comme la Mini Moke et la Fiat 500 Jolly, la Citroën Méhari repose sur la base technique d’une auto populaire, simple et peu coûteuse. Mais la Citroën va plus loin. Elle naît « barquette » purement utilitaire de l’imagination d’un personnage haut en couleur, le comte Roland de la Poype, à la tête de la SEAB. La base technique est celle de la 2CV, elle-même décapotable. Même rusticité, mais la carrosserie en ABS de la Méhari la rend infiniment plus pratique, puisque lavable au jet d’eau y compris à l’intérieur. Et la Méhari peut être davantage décapitée qu’une 2CV, rendant la conduite encore plus fun là où ça s’y prête : là où il fait beau très souvent, et près de l’eau.

Plusieurs carrossiers seront tentés d’approcher le concept à travers des exercices de style. L’un des plus prestigieux, Bertone, livre sa propre vision de la voiture de plage avec la Suzuki Go, présentée en 1972, qui restera un prototype. La Suzuki Go est inspirée du monde nautique, conçue comme un Zodiac sur grosses roues. Un engin aussi à l’aise près des plages que dans les stations de sports d’hiver, mû par un moteur de moto de 750 cm3.

PHOTO BENOÎT FAUCONNIER

Le concept de la Méhari, qui fonctionne bien en série et d’un point de vue commercial, est dupliqué, chez Renault avec la Rodéo à carrosserie en polyester, fabriquée de 1970 à 1986 chez le carrossier ACL (Ateliers de construction du Livardois) fondé par un certain Raoul Teilhol. Deux modèles de Rodéo vont cohabiter : les Rodéo 4 et 6, dont les bases techniques diffèrent, reprenant respectivement des éléments de Renault 4 ou de Renault 6. La seconde génération de Rodéo (1981) est nommée Rodéo 5. Lancée pour concurrencer la Méhari, comme la R4 devait contrer la 2CV, la Rodéo est restée dans l’ombre de la barquette Citroën.

Raoul Teilhol reprendra le principe à son compte après la fin des fabrication de Rodéo en 1986 et de Méhari en 1987 : Teilhol donnera naissance aux Tangara, sur base 2CV6, puis Theva, aux dessous d’AX, entre 1987 et 1990.

Avant Teilhol, un autre « sorcier » donnera naissance à ce qui deviendra une célèbre auto de place : la Dallas. Cette réplique de Jeep Willys sur châssis raccourci et mécanique de Renault 4 voit le jour en 1981. Elle est conçue par Jean-Claude Hrubon. En 1983, alors qu’il songe acheter deux exemplaires, le chanteur Frank Alamo (Jean-François Grandin, de son vrai nom), rachète l’entreprise entière. Ce qui permet de faire évoluer la Dallas, qui adopte ensuite des mécaniques Peugeot et un nouveau châssis. Les Grandin Dallas demeurent jusqu’en 1998.

Si les volumes de production ne sont pas mirobolants, le concept continue d’attirer tout de même quelques industriels qui tournent autour de l’histoire à succès de la Méhari.

Prenez Aixam, acteur majeur de la voiturette qui, lors d’une poussée de fièvre dans les années 1990 visant à s’engouffrer dans le monde des voitures « avec permis », présente une monstrueuse supercar, la Méga Track, et, plus réaliste, la Mega Ranch et son pendant véhicule particulier à quatre places, la Club, lancés en 1993. Tous les ingrédients sont là : une base de voiture simple et solide (en l’occurrence des mécaniques essence et diesel et autres éléments de Citroën AX comme la transmission intégrale), de la modularité et du fun en permettant de rouler cheveux au vent. Comme la Méhari ou la Tangara, c’est deux ou quatre roues motrices. Mais aussi un grand choix de carrosseries : hard top ou bâches souples, avec ou sans portes… La Mega club peut être bicolore. Exemples de prix ? 76.500 F en 1.1 et 79.500 F en 1.4 pour une Mega Club en septembre 1993.

Entre la fin de Teilhol et la tentative Mega, plusieurs carrossiers ou artisans aguerris se lancent dans la conversion de petites voitures populaires en utilitaires de plage. Car System Style, par exemple, société basée à Redon, en Bretagne, s’attaque depuis 1981 à la Renault 4 et la transforme en JP4. A partir d’une berline ou d’une fourgonnette, le châssis est raccourci, la garde au sol surélevée, une nouvelle carrosserie est posée, ainsi que des arceaux, et voilà une 4L façon Jeep déguisée avec un kit carrosserie et de grosses jantes. Plus cool, tu meurs. Et pour pas trop cher à l’époque : 53.000 F en septembre 1989, soit l’équivalent d’une Renault 5 Saga TL 1100 3 portes.

En 1988, Car System veut enfoncer le clou en présentant la Renault 5 Belle-île. Là, c’est la partie arrière qui est modifiée pour transformer l’auto en pick-up ou en cabriolet. Mais l’affaire redonnaise est fragile. Car System est repris par le carrossier Gruau, qui adapte la Belle-île et reprend la production jusque fin 1991. La JP4, elle, s’éteint en 1990 après une production estimée à 2.500 exemplaires.

PHOTO GRUAU

La démarche de Car System puis de Gruau n’est pas isolée en ces temps-là. Le carrossier David, dans les Alpes de Haute-Provence, propose au même moment la transformation d’une Opel Corsa en pick-up à partie arrière découvrable pour 14.730 ou 16.716 francs selon la version, à ajouter au prix du véhicule. Renocar, à Royan, propose une déclinaison similaire, à partie arrière découvrable, sur une Fiat Panda 750 L pour 53.050 francs. La voiture transformée s’appelle Fiat Panda Côte Sauvage. Impossible de rouler cheveux aux vents pour moins cher en 1990. La transformation coûte alors environ 16.000 francs.

La période des années 1980-1990 est foisonnante en études et projets de voitures de loisirs (il faut élargir le champ des possibilités), qui passent rarement l’échelon industriel et le stade de la production en petite série. Contrairement à la tendance actuelle qui est à la rationalisation extrême des véhicules d’entrée de gamme ayant pour effet la suppression de variantes diverses (plus de carrosseries trois portes ni de cabriolets, déclin des sportives…), les citadines étaient des les années 1970 et 1980 des poules aux oeufs d’or choyées et l’on voyait poindre leurs déclinaisons « fun » : par exemple, la Talbot Samba et la Peugeot 205 cabriolet étaient fabriquées chez Pininfarina, la Citroën Visa cabriolet l’était chez Heuliez.

Le carrossier des Deux-Sèvres avait même planché sur un véritable pick-up de plage sur base d’un utilitaire Simca VF2 lui même établi sur une banale 1100 : le Wind était présenté en 1980. La transformation ne semblait pas excessivement coûteuse pour donner du charme à la bête : une surélévation, des jantes spécifiques, un arceau, des feux additionnels et autres éléments piqués à la Rancho, du tissu éponge en guide de garnitures, une peinture à dégradés bleus et blancs… Le projet est resté sans suite.

Heuliez a par la suite été actif et riche en propositions de voitures fun et décalées. La plus proche de l’esprit « voiture de plage » ? Sans doute la Scarabée d’or, un cabriolet à deux places utilisant une mécanique de Citroën BX GTI 4×4 présenté en 1990. Du fun, du plein air, mais des aspects pratiques relégués derrière l’utilisation « loisirs ». La Scarabée d’or est l’évolution « ouverte » du Peugeot Agadès, préfigurant avec un sacré temps d’avance les SUV compacts qui font fureur aujourd’hui.

Il semble aujourd’hui peu probable que des « voitures de plage » dans la lignée des Méhari, Rodéo, Tangara, Mega Club ou R5 Belle-île aient une descendance. Marché trop restreint ? Petites séries trop coûteuses à produire ? Normes de sécurité et antipollution trop contraignantes ? Au milieu des années 1990, on ne trouve presque plus de ces autos de plage dans les catalogues. Contrairement aux petits cabriolets, pourtant plus coûteux, mais symboles du plaisir accessible. Fin 1994, par exemple, on a l’embarras du choix, ce qui ringardise les utilitaires découvrables. La Peugeot 205 CJ est affichée 94.700 francs, la Mini cabriolet 99.000 francs, la Rover 100 cabriolet 96.400 francs et la Fiat Punto cabriolet 92.800 francs. Lada dispose même de la Natacha (une Samara cabriolet) à 79.800 ou 89.800 francs !

En marge du cabriolet de facture classique, Citroën a tenté de revenir au concept « couteau suisse-voiture de plage » en 2003 avec la C3 Pluriel. Découvrable, cabriolet voire pick-up, elle a échoué sur le plan pratique et de la polyvalence à cause de ses arches amovibles fastidieuses à démonter/remonter. En position cabriolet, impossible de recouvrir la voiture en cas de pluie si les arches étaient démontées. Citroën, toujours, est revenu autour du pot sous forme de concept-cars avec les C-Buggy, en 2006, et Lacoste en octobre 2010. Dans la même veine, en 2015, Citroën, toujours, dévoile le Cactus M, un Cactus qui réinterprète ouvertement la Méhari. Originalité du concept sans toit et dont la décoration est inspirée de l’univers balnéaire : une tente intégrée gonflable et autoporteuse. Il suffit de brancher le gonfleur sur le compresseur du kit anticrevaison.

Et hormis Citroën ? Mia Electric, issue de l’éclatement d’Heuliez, a montré en 2012 la Rox, une Mia simplement découvrable ou cabriolet avec capote amovible, et imaginée sur la base de la Mia électrique classique.

Depuis la mort de Mia, le concept semble bel et bien définitivement enterré, si l’on fait abstraction de la sinistre Citroën e-Mehari 100 % électrique, une Bolloré rebadgée, qui a tenté de faire illusion de 2016 à 2019. La preuve que le concept de voiture de plage ne fait pas tout. La e-Mehari n’était pas disponible à moins de 25.000 €. Un rapport prix/prestations délirant pour une utilisation secondaire. Une façon de rappeler que le concept seul et toutes les bonnes ondes associées ne sont pas suffisantes pour faire un succès.

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