« Les Visiteurs », c’est à mes yeux l’une des meilleures comédies françaises du cinéma français. Même si niveau réalisation, une belle erreur ne passe pas inaperçue, surtout quand on scrute les « guests » à quatre roues.

Confinement et Covid-19 obligent, il m’est apparu utile de montrer à mes gosses un chef d’oeuvre du cinéma français : « Les Visiteurs », vite entré au Panthéon des comédies françaises, sorti sur les écrans le 27 janvier 1993. Je ne vous ferai pas l’affront de rappeler le scénario, celui d’un chevalier (Godefroy de Montmirail, dit Le Hardi) et de son écuyer (Jacquouille la Fripouille), catapultés par erreur du XIe au XXe siècle, et qui retrouvent dans cette époque qui leur est inconnue leur descendance respective.
Le lien avec la bagnole arrive très vite. Jean-Marie Poiré, le réalisateur, et Christian Clavier, avec qui il a signé le scénario, ont pris goût à la destruction d’autos et aux cascades routières depuis « L’Opération Corned Beef », sorti en 1990, film pour lequel le placement produit avait bénéficié à Citroën qui avait fourni quelques BX à broyer, tout en valorisant une AX et une toute nouvelle XM au passage.
Pour « Les Visiteurs », c’est Renault qui décroche la timbale. Non pas avec la pauvre Renault 4 F4 de la Poste qui se fait matraquer par les deux voyageurs dans le temps.

La star à quatre roues du film, c’est la Renault Safrane, présentée l’année du tournage, en 1992. L’exposition de la voiture au cinéma en 1993 est parfaitement intégrée dans le plan de commercialisation. La Safrane apparaîtra plus tard dans deux autres comédies culte, La Cité de la peur (Alain Berberian, 1994) et Le Bonheur est dans le pré (Etienne Chatilliez, 1995)
Cette Safrane, c’est la voiture d’un couple très BCBG, Béatrice de Montmirail, mariée au stomatologue Jean-Pierre Goulard. Pile dans une des cibles visées par Renault. Jusque-là, tout va bien. C’est une Safrane V6 bleu foncé (la couleur de lancement), en finition RXE, la plus haute avant l’apparition de la Baccara.

Première incohérence. Quand les « Visiteurs » débarquent au XXe siècle, leur première rencontre avec une « charriotte du diable » est celle avec la 4L du postier « sarrazin ». Une 4L immatriculée 4912 QE 11 (Aude). Jean-Pierre et Béatrice, qui habitent dans une zone géographique forcément proche, possèdent la Safrane en question immatriculée 9810 TX 60 (Oise). L’action est davantage ancrée en région parisienne que dans le secteur de Carcassonne, même si les décors utilisés pour les scènes au Moyen-âge sont situées dans l’Aude.
C’est après que ça se corse, puisque la Safrane des Goulard – De Montmirail est constamment « doublée ». Classique, au cinéma, direz-vous, puisque plusieurs voitures identiques sont généralement utilisées lors d’un tournage. Tant que les couleurs, jantes, etc… sont raccord, ça passe. Difficile de reconnaître une Safrane RXE bleue d’une autre Safrane RXE bleue. Sauf que la plaque minéralogique trahit la « doublette ».
La Safrane garée au domicile des Goulard est immatriculée 9810 TX 60. C’est bien celle qu’utilise le couple pour aller récupérer Godefroy à l’hôpital avec à l’arrière un Jacquouille malade, qui mord le cuir du siège conducteur, et qui ensuite joue avec l’avertisseur sonore bizarrement actionné à droite du volant.

Mais la Safrane stationnée près de l’hôpital change entre-temps de numéro, et porte la plaque 8923 VB 11. Le trajet du retour entre l’hôpital et la maison des Goulard (pendant lequel c’est au tour de Godefroy d’être malade en voiture) se fait en Safrane immatriculée 9810 TX 60.


C’est encore cette voiture qui est utilisée plus tard pour le trajet jusqu’au château de Montmirail, quand Godefroy doit aller rendre la bague du Hardi. Mais la voiture qui arrive devant le château est celle immatriculée 8923 VB 11. C’est enfin cette même voiture qui se fait éclater le toit quand les deux bagues du Hardi se rejoignent, et provoquent l’explosion du Range Rover de Jacquart, le descendant de Jacquouille.


Détail amusant, la voiture située juste à côté du Range brûlé (lui aussi immatriculé dans l’Aude, par ailleurs…) n’est jamais citée. C’est une Citroën XM, que le propriétaire (le banquier Edgard Bernay) appelle « ma Limo ».


Difficile de comprendre de tels faux-raccords, sauf si, bien entendu, la présence du « 11 » sur la plaque minéralogique a été « négociée ». D’autant que les scènes tournées avec la 8923 VB 11 ne l’ont pas été dans l’Aude. Si tel avait été le cas, on aurait « pardonné » la présence de voitures locales, pour des raisons de logistique. La maison utilisée pour être celle des Goulard est en réalité située à Thoiry (Yvelines), et le « vrai » château de Montmirail est celui d’Ermenonville, dans l’Oise.

Renault Classic possède dans ses réserves une Renault Safrane à toit explosé, sensée représenter celle du film. C’est selon toute vraisemblance une copie puisque celle qui parcourt quelques expositions est une V6 Quadra. Et quelques « artifices », comme l’autocollant signalant la présence d’un autoradio codé sur les vitres latérales, ou les vignettes 93 et 94 sur le pare-brise ne sont pas présentes sur la Safrane présente dans le film.
La 4L de la Poste a tout également d’une copie et n’est pas celle réellement démolie dans le film. La preuve ? Les dégâts sur le masque avant et sur le pare-brise ne correspondent pas. Le lettrage PTT en amont du toit n’est pas présent sur la voiture du film. La décoration des portes n’est pas la même non plus. Et les cabochons de feux arrière sont explosés dans le film, et bien présents sur la voiture d’expo.





Oui j’ai remarqué également pour l’immatriculation de la Safrane des visiteurs. Après je me suis dit que le lien avec Avis pouvait peut-être avoir un lien, car le loueur est bien présent dans le film, comme leurs immatriculations sont dans le 60 !