L’édition 2020 de Rétromobile consacre une exposition à Bertone. Dix voitures de la collection du carrossier italien défunt retracent une certaine idée du design de leur époque, entre 1969 et 2001. Leur voyage en France est un moment exceptionnel.

Les légendes ne meurent jamais. Si la « carrozzeria » Bertone n’existe plus en tant que telle, elle laisse à l’Histoire de l’Automobile un panel de créativité ou d’élégance (ou les deux à la fois) rare. La carrosserie Bertone naît en 1912sous l’impulsion de Giovanni Bertone. L’homme apprend le métier de charron avant de lancer sa propre entreprise qui consiste à créer des carrosses et des charrettes hippomobiles. Des caractéristiques communes à quelques carrosseries françaises qui se sont développées de la même manière, à savoir Heuliez ou Gruau, par exemple.

Après la Première Guerre mondiale, des constructeurs automobiles viennent à lui. Ses premières réalisations remarquées pour Spa ou Fiat lui font engranger commandes et prospérité. La Maison Bertone accompagne quelques constructeurs italiens et prend avec certains d’entre eux le virage de l’industrialisation. Bertone dessine des carrosseries, mais les fabrique aussi, dans des installations qui s’éloignent du monda artisanal. Après la Seconde Guerre mondiale, l’activité repart de plus belle sur le même modèle de soutien à un spectre de constructeurs qui s’élargit.
Bertone construit également des petites séries, comme ce fût le cas avec la Giulietta Sprint pour Alfa Romeo. Le centre de style d’un côté (avec un certain Giorgio Giugiaro, futur fondateur d’ItalDesign) et l’usine de l’autre prennent toujours plus d’ampleur. Les années soixante sont foisonnantes et ouvrent la porte à des réalisations assez prestigieuses pour des modèles sportifs. Une forme de consécration arrive avec les Alfa Romeo Montral, Lamborghini Miura et Espada. C’est à cette période que Bertone commence à inonder les salons de concept-cars issus du bureau d’études.

Bertone signe la Lamorghini Countach, la Lancia Stratos, la Fiat X1/9 et signe même avec Ferrari pour le style de la 308 GT4. Dans les années 1980, Bertone pousse les portes de l’industrie massive en collaborant régulièrement avec Citroën qui lui doit la BX, la XM ou encore la Xantia. D’autres collaborations descendent dans la rue : la Skoda Favorit, l’Opel Kadett cabriolet, la Fiat Ritmo cabriolet, la Fiat Punto cabriolet ou encore l’Opel Astra II coupé. A cette époque, les usines des grands constructeurs ne sont pas assez flexibles pour intégrer des petites séries. Bertone se lance aussi sous sa propre marque en vendant le Bertone Freeclimber, un 4×4 de luxe à moteur BMW sur la base du Daihatsu Rocky.
Dans les années 2000, Bertone comme beaucoup d’autres grands carrossiers européens, connaît un déclin inéluctable. Les grands constructeurs, partenaires d’hier, deviennent les concurrents de demain. Ils freinent les collaborations extérieures, réintègrent les études dans leurs propres bureaux de style et parviennent à fabriquer dans leurs propres usines devenues flexibles des petites séries. La tendance est lourde et n’épargne personne. L’Allemand Karmann en est victime. En France, ce sera Heuliez et Matra, qui ont eu aussi des bureaux d’études géniaux et qui se sont frottés à la sous-traitance industrielle.

L’agonie dure jusqu’en 2014, quand Bertone est déclaré en faillite. Le 28 septembre 2015, l’Automotoclub Storico Italiano (ASI) rachète lors d’une vente aux enchères les 79 modèles qui composent encore la collection Bertone : des voitures roulantes, des études de style, des châssis… Cette collection est maintenant « protégée et soumise à un droit de préemption au profit du ministère italien des Biens et Activités culturels et du Tourisme » ne pourra pas être dispersée en vendant des voitures individuellement et ne peut être transférée à l’étranger.
Cette collection est maintenant exposée dans son ensemble au musée Volandia de l’aéroport de Milan Malpensa. C’est pourquoi c’est un petit miracle que d’avoir dix voitures réunies issues de la même collection sur le sol français. L’unité de cette collection reste un fabuleux livre d’histoire ouvert et surtout unique.
Dix modèles ont été choisis pour être présentés à Paris.
Bertone Runabout (1969)
Une barquette signée Marcello Gandinin à la mécanique d’Autobianchi A112, mais cette fois placée à l’arrière. La boîte de vitesse est empruntée à la Lamborghini Miura. Un petit saute-vent en guide de pare-brise, les projecteurs d’éclairage censés être à l’avant sont relégués sur la roll-bar… derrière les deux occupants. Le charmant cockpit reprend les coloris extérieurs, blanc et rouge.
Suzuki Go (1972)
A considérer comme un Zodiac à quatre roues, présenté au Salonde Bruxelles 1972. Sa carrosserie en fibre de verre est posée sur des grosses roues tout-terrain. C’est une barquette minimaliste équipée de deux places assises à l’avant et d’un plancher plat à l’arrière. Le moteur est un 3-cylindres Suzuki de 750 cm3.
Citroën Camargue (1972)
La première collaboration Bertone-Citroën, sur une base de GS avec une lunette arrière en trois partie, séparée de l’habitacle par un arceau. Le pare-brise « bulle » à l’avant plonfe vers une proue fuselée à porte-à-faux long. Les feux avant sont logés sous des glaces. Assurément l’une des études les plus élégantes du carrossier. La Camargue avait été exceptionnellement prsentée à Rétromobile 2019 pour les 100 ans de Citroën.
Ferrari Rainbow (1976)
La première Ferrari de production signée Bertone est commercialisée en 1973, c’est la 308 GT4. C’est l’une des premières Ferrari qui échappe à Pininfarina. Le style de cette 308 GT4 est plutôt controversé. Marcello Gandini en reprend la base raccourcie pour proposer la Rainbow, bien plus anguleuse ques les Ferrari habituelles. Elle bénéficie d’un toit rigide escamotable qui se replie derrière les passagers.
Volvo Tundra (1979)
Volvo confie la production de son luxueux coupé 262C à Bertone. La carrosserie en profite pour faire une proposition sur la base de la banale compacte de Volvo, la 343. Apparemment, la Tundra est trop moderne pour convaincre Volvo. La calandre est expédiée sur le côté droit du pare-chocs. Les phares avant sont escamotables. De nombreux éléments du style de la Tundra sont repris par Marcello Gandini pour travailler sur ce qui deviendra la Citroën BX en 1982. Le dessin des passages de roues, par exemple.
Chevrolet Ramarro (1984)
Comment réinterpréter la Chevrolet Corvette avec un style anguleux ? La mécanique est modifiée pour offrir un peu de liberté au bureau de style. L’ouverture des portes vers l’avant est inédit… et ne sera jamais repris. En résulte un style relativement disproportionné avec un capot exagérément long.
Citroën Zabrus (1986)
Une étude de break de chasse sur une base de Citroën BX 4TC à quatre roues motrices conçue sous l’égide du français Marc Deschamps. Le long nez héberge le moteur longitudinal 2.2. Les portes à ouverture en élytre ont été déjà vues sur la Lamborghini Countach. Elles se déploient comme les ailes d’un insecte, qui a inspiré le nom de la voiture : le zabre est un coléoptère. Pour accéder à bord, les sièges avant sont pivotants. Les quatre sièges indépendants sont recouverts de cuir de kangourou. Plusieurs éléments de style seront utilisés sur des Citroën ultérieures comme la XM ou la Xantia.
Lamborghini Genesis (1988)
Le concept d’une berline de luxe poussé à l’extrême. Pourquoi faire profiter deux personnes seulement des performances d’une supercar ? La Genesis est équipée d’un V12 atmo Lamborghini de 455 chevaux placé à l’avant. Un vrai salon roulant luxueux et futuriste qui peut emmener cinq personnes. Le conducteur est quasiment installé au-dessus des roues avant. Le fauteuil du passager est pivotant : il peut voyager face ou dos à la route. A l’arrière, le siège du milieu peut être transformé en table. Une modularité qui rappelle l’aménagement intérieur du Renault Espace. Les portes arrière sont coulissantes. Les portes avant s’ouvrent comme des « ailes de papillon » avec un point d’ancrage au milieu du toit. Ce sont de véritables bulles qui s’ouvrent sur les passages de roues.
BMW Pickster (1998)
Une proposition de pick-up pas vraiment comme les autres avec une ligne basse et agressive. La mécanique est celle de la BMW M3 E36 avec son six-cylindres en ligne de 321 chevaux. L’aménagement arrière est typé « fun » et plage. Le côté pratique ne doit pas occulter son goût pour la performance avec un aileron proéminent. L’idée du pick-up ludique a vu cependant le jour avec le Chevrolet SSR à toit rigide escamotable.
Opel Filo (2001)
Sous les lignes d’un monospace relativement classique, Bertone fait une proposition de « drive by wire » (sans lien mécanique depuis l’habitacle)développé avec SKF. Le volant est réinventé avec une série de commandes tout autour. Le pédalier, par exemple, a été supprimé. Tout se passe à la main : direction, freins, boîte, embrayage…
joli article, belles photos! un résumé de rétromobile sur mon blog: tapez emeraude explore sur votre moteur de recherche