Rarement montré en public, le démonstrateur 4435 d’Heuliez est resté lettre morte. Ce prototype a été celui de la dernière chance pour Heuliez, tout du moins dans son ère industrielle. Imaginé pour succéder à l’Opel Tigra Twintop (fabriquée par Heuliez, dans son usine de Cerizay) le 4435 est aujourd’hui un vestige, propriété depuis 2012 de l’association Deux-Sèvres auto mémoire. Un engin bien caché, à (re)découvrir.
Carrossier, bureau d’études, sous-traitant, Heuliez a acquis, au fil de son histoire, une véritable expertise industrielle. Jusqu’à devenir, dans les décennies 1980 à 2000, un constructeur à part entière. On assemble, à Cerizay, dans le bocage vendéen, des milliers de voitures par an. L’apogée, la puissance de feu d’Heuliez, est atteinte avec l’assemblage des BX Évasion, XM Évasion et Xantia break, aux mêmes standards que les usines Citroën.
À la fin des années 1990, Heuliez est un des plus gros employeurs privés des Deux-Sèvres, mais le vent tourne. La Xantia break est en fin de carrière, et Citroën envisage de reprendre à son compte la production de ce qui deviendra la C5 break. Les bureaux d’études Heuliez planchent sur d’autres projets, dont un à la demande de Peugeot, sur une variante sportive de la Peugeot 206, qui n’est pas encore commercialisée. En parallèle, Heuliez étudie le toit en dur d’une potentielle 206 cabriolet, proposé à Peugeot. Le concept voit le jour à travers un prototype de salon, la Peugeot 20♥, en 1998.
Peugeot valide le projet, qui devient 206 CC et voilà Heuliez propulsé, dès 2000, fournisseur du module de toit repliable et volet de coffre, entièrement peints. Heuliez passe très rapidement de la fourniture de 50 toits par jour à… 400. Une cadence soutenue pendant trois ans, et qui offre à l’usine de Cerizay, forte d’avoir su démocratiser le concept du coupé-cabriolet, de nouvelles perspectives.
Heuliez multiplie les propositions à de nombreux constructeurs. Dans la foulée de la 206 CC, le carrossier étudie un toit rétractable pour l’Opel Corsa. Opel récupère la balle, et confie à Heuliez la responsabilité de l’étude l’industrialisation et la fabrication d’un petit coupé-cabriolet sur base de Corsa de troisième génération.
Trente mois s’écoulent entre le lancement du programme et le démarrage de la production, en juin 2004. Les premières moutures de l’étude laissent apparaître un avant identique à celui de la Corsa. Jugé « peu sexy », le projet est entièrement retravaillé pour proposer une face avant différenciée.
Mais le succès de ce petit coupé-cabriolet à deux places (contre quatre à la Peugeot 206 CC) n’est pas au rendez-vous, malgré un plan de marche de l’usine calibré au maximum, c’est-à-dire 208 voitures produites par jour en 2005. Le plan de charge prévoyait une production totale d’un peu plus de 150.000 voitures. En cinq ans, un peu plus de 90.000 Tigra Twin Top sont produites. La dernière sort de l’usine de Cerizay le 9 septembre 2009.
Avant d’en arriver à ce terrible constat d’insuccès, le bureau d’études Heuliez planche sur un autre projet, sur base de Volkswagen Polo. Courant 2005, à la demande de Volkswagen et contre rémunération, Heuliez étudie le PC2, qui prévoit sur une base de Polo trois carrosseries en une : coupé, cabriolet et… pick-up. Une modularité rendue possible grâce aux mouvements des panneaux de carrosserie. Un panneau arrière s’ouvrait. Les sièges arrière rabattus auraient permis d’obtenir un plancher plat, et des accessoires étaient même envisagés pour transporter des VTT. Cette étude n’est pas allée plus loin que la faisabilité, tuée par le refus de Volkswagen d’aller plus loin, en août 2005. Il ne reste de ce véhicule de loisir avorté une seule maquette, elle aussi acquise par l’association Deux-Sèvres auto mémoire.
Dans la foulée, Heuliez revient à la charge chez Opel et songe à l’évolution de la Tigra Twin Top. L’idée est d’effacer son principal défaut, et de lui offrir quatre places. Début janvier 2006, une maquette reprend la proue et les optiques arrière de ce qui deviendra l’Opel Corsa de quatrième génération. Cette étude, c’est le projet 4435, lancé mi-2005, avec une proposition de style émanant du centre de style Opel. La maquette à l’échelle 1 est plus grande que la Peugeot 206 CC, en fin de carrière.
La cinématique de toit est largement revue, et le démonstrateur 4435 embarque un système RHT5 (Rétractable hard top cinq éléments). Pour gagner de la place, et offrir deux sièges à l’arrière, c’est sur la lunette arrière que sont concentrés les efforts de conception. Les deux montants qui entourent la lunette s’en désolidarisent, sont découplés grâce à des biellettes entre le support de vitre et les custodes, et vont se loger dans les passages de roues. La lunette, elle, est stockée plus en arrière. Ce système plus compact permet de conserver l’empattement de la voiture d’origine, et de se rapprocher de son style initial. L’objectif est aussi économique, en conservant un maximum d’éléments de style communs avec l’Opel Corsa berline (optiques, pare-chocs). Les cinq éléments distincts du système RHT5 sont donc le pavillon, la lunette en trois parties, et la porte de coffre.
Histoire de mettre tous les atouts de son côté, Heuliez envisage même au printemps 2006 une version du 4435 pour Fiat, qui partage la plateforme de la Punto avec l’Opel Corsa. Le pare brise, le pavillon, les vitres de portes, le bloc avant, le plancher, le bloc arrière, les trains roulants, la mécanique, les sièges restaient les mêmes pour les deux marques. Les pièces de robe, la lunette arrière, les feux, les phares, les boucliers, étaient différenciés Opel ou Fiat. Le système de toit était plus simple sur la Fiat, tandis que l’Opel aurait conservé son RHT5.
Courant 2006, le projet 4435 est accepté par Opel Europe, mais General Motors met son veto après avoir vu la maquette envoyée en Allemagne. Sans aucune suite industrielle donnée à la Tigra Twin Top, Heuliez doit tourner le dos à sa vocation industrielle, faute de partenaire.
La maquette 4435 est restylée juste après, et perd ses éléments d’identification Opel, pour reprendre une face avant plus neutre. Le H Heuliez prend la place du Blitz Opel, sans doute pour tenter de proposer à la solution du RHT5 à d’autres constructeurs, sans succès.
La mode du coupé-cabriolet à toit dur n’a subsisté qu’une vingtaine d’années, poussée vers la sortie par une chasse aux kilos pour limiter les émissions de CO2, et pour revenir à un style arrière moins lourd. Rien de tel que la compacité et la légèreté d’une capote souple… quand les cabriolets ne sont pas simplement tués sur l’autel de la rentabilité.
Excellent article comme d’habitude !