L’usine Sevelnord, à Hordain, près de Valenciennes, a été inaugurée en 1994 pour permettre la fabrication de monospaces et d’utilitaires légers dans le cadre du partenariat PSA-Fiat. Vingt ans après, sans Fiat, l’usine vit l’une de ses transformations majeures pour retrouver sa place dans l’échiquier industriel du groupe français. Une révolution qui se joue au plus près des chaînes de montage.
L’usine Sevelnord d’Hordain (59) est l’une des plus récentes mises en service en France, avant Smart à Hambach, et Toyota à Onnaing… C’est en 1992 que cette usine est réactivée, en quelque sorte. Cette implantation existait déjà, mais pas sous sa forme actuelle, propriété de Chrysler, qui envisageait d’y produire des voitures. L’affaire ne s’est pas faite, et l’usine est devenue un site de production de pièces, tombé dans la corbeille de mariage quand Peugeot a repris les actifs de Chrysler Europe (Chrysler, Simca et Talbot). L’usine a fermé en 1987, et remise en selle en 1992 pour donner corps à l’extension du partenariat PSA-Fiat, initié en 1981, et qui prévoit dès 1988 le développement en commun d’un monospace, et la construction d’une usine.
LE CONTEXTE
Les monospaces Citroën Evasion, Peugeot 806, Fiat Ulysse et Lancia Zeta naissent donc chez Sevelnord à Hordain en 1994, avec leurs jumeaux techniques utilitaires, Citroën Jumpy, Peugeot Expert et Fiat Scudo. Vingt ans, le bel âge…ce qui ne veut absolument rien dire dans l’industrie automobile. La « jeune » usine nordiste aurait pu mourir prématurément.
En 2011, Fiat annonce vouloir se retirer de la coopération avec PSA en 2017, ce qui se traduit par une perte sèche prévisionnelle de production. La même année, d’après la CGT, l’usine serait même sur une liste de sites que PSA, en grandes difficultés, songe fermer, comme l’usine d’Aulnay-sous-Bois.
Dans les années resplendissantes, Sevelnord a produit 200.000 voitures par an. Avec l’arrêt, fin 2010, des Fiat Ulysse II et Lancia Phedra, puis celui, en juin 2014, des Citroën C8 et Peugeot 807, seuls les utilitaires Citroën Jumpy, Peugeot Expert et Fiat Scudo, sont maintenus. D’où une production qui chute à environ 75.000 véhicules par an. Un niveau remonté, dernièrement, à 86.000 véhicules. En 2011, Sevelnord n’est pas du tout certaine de décrocher la production du successeur des « G9 », nom de code des utilitaires actuels. Chez PSA, tout est clair : pour obtenir le projet K0 (K-zéro), successeur des G9, Sevelnord doit s’adapter.
Il faut trouver un nouveau partenaire industriel d’une part, et trouver un accord dit de compétitivité. Toyota vient à la rescousse de Sevelnord en juillet 2012 pour la fourniture d’utilitaires sur la base des G9 actuels. Toyota achète ses Proace à PSA. Deuxième étape : un accord de compétitivité est signé le 26 juillet 2012 par trois organisations syndicales sur les quatre représentatives dans l’usine. C’est le tout premier à l’échelon du groupe PSA. Il prévoit, en l’échange de l’attribution du K0 et de l’absence de plan de sauvegarde de l’emploi pendant la durée de l’accord (trois ans), le prêt de main d’oeuvre à d’autres sites PSA, le gel des salaires, des pertes de jours de repos, et la possibilité de terminer la journée plus tard (jusqu’à vingt et une minutes) en cas de retard dans la production. L’attribution du projet K0 à Sevelnord est actée et annoncée le 31 août 2012.
LA REMISE À NIVEAU
Fin août 2012, Sevelnord gagne officiellement la fabrication du futur utilitaire K0 de PSA, avec Toyota maintenu comme partenaire. Pour le groupe, les études et l’industrialisation représentent 750 M€ d’investissement. Reste à poursuivre la mutation industrielle de l’usine, inscrite dans le plan « Back in the race » cher à Carlos Tavarès. « On n’invente rien, on se remet à niveau », résume Yann Vincent, directeur industriel de PSA. Sevelnord, comme toutes les autres usines du groupe, sont soumises au même régime.
« Nous ne révolutionnons pas l’industrie automobile. C’est une transformation de notre appareil industriel, que nous faisons à marche forcée. » Objectif affiché de Yann Vincent : « Améliorer la performance industrielle en rattrapant les meilleurs. »
Premier axe : le compactage des process de fabrication et, par extension, de l’usine en général. Sevelnord, nées au début des années 1990, conserve encore une configuration avec des bâtiments espacés. Dans les murs, le compactage des permet de libérer des surfaces, mises en vente, en location, ou qui accueillent désormais des fournisseurs, voulus au plus près des lignes de montage pour réduire les coûts et les aléas de la logistique.
« Au ferrage, nous avons libéré des surfaces dans lesquelles nous avons intégré deux fournisseurs, un pour l’assemblage des réservoirs, et un pour l’encyclage des faisceaux », explique Patrice Le Guyader, directeur de l’usine. Idem sur la question des approvisionnements en lignes d’échappements, divisées en trois et assemblées sur le site.
Pour illustrer la désormais trop grande emprise (160 hectares) de l’usine d’Hordain, Patrice Le Guyader compare : « La peinture, le ferrage et le montage à TPCA (joint venture PSA-Toyota pour la production de citadines en Républque tchèque) entre, à 3.000 m2 près, au ferrage ou au montage de Sevelnord. Si on devait refaire l’usine aujourd’hui, le bâtiment peinture serait divisé par deux, et on prendrait neuf hectares pour le ferrage et le montage. » Le ferrage de Sevelnord occupe aujourd’hui dix hectares, et dix autres hectares pour le montage.
Histoire de suivre les changements de mix de production, liés à une diversité croissante des modèles, le kitting est apparu chez Sevelnord début 2014. Ce procédé libère les bords des chaînes de production : il prévoit l’approvisionnement des pièces nécessaires au montage du véhicule à l’aide de kits composés par des opérateurs, et disposés sur des chariots automatiques qui suivent le véhicule sur la chaîne, guidés par des bandes magnétiques collées au sol. Les chariots vides sont automatiquement renvoyés vers la zone d’approvisionnement. Toute la chaîne de montage sera convertie à 100 % au « kitting » à l’automne 2015.
Conséquence directe déjà mesurée depuis l’instauration du « kitting » : la chaîne de montage est aujourd’hui jugée trop longue. Thierry Robert, le chef du montage chez Sevelnord, voit la différence en terme de flexibilité et d’ergonomie : « Avant, il y avait sept flux pour alimenter le bord de ligne, contre deux flux maintenant. Ça prenait jusqu’à trois mois pour changer de vitesse dans certains secteurs. C’est un mois, maintenant. »
Enfin, Sevelnord a été la première usine européenne de PSA à mettre en place le programme Corail, en novembre 2014, qui concerne les approvisionnements. Ses objectifs ? Réduire les coûts de transport, les stocks et donc les surfaces. « Tous les jours on commande aux fournisseurs l’équivalent d’une journée de production. L’approvisionnement se fait dans l’ordre prévisionnel de passage sur la ligne, six à sept jours avant la fabrication du véhicule. » Les fournisseurs doivent amener les pièces, jusqu’à un classement spécifique sur les palettes, le cas échéant, pour correspondre au film de fabrication.
SEVELNORD EN CHIFFRES
Sevelnord (Société européenne de véhicules légers du Nord) produit dix-neuf types de véhicules entre les fourgons vitrés, tôlés, semi-vitrés, surélevés ou non, planchers-cabine, combis de cinq à neuf places… pour quatre marques : Peugeot Expert, Citroën Jumpy, Fiat Scudo et Toyota Proace. « Nous pouvons avoir 250 voitures différentes en sortie de ferrage. Pour le futur K0, ce sera beaucoup plus que ça », détaille Patrice Le Guyader.
L’usine a une particularité : elle ne dispose pas d’emboutissage. Les pièces de carrosserie sont embouties chez Magnetto, à Aulnay-sous-Bois. La première étape de la fabrication, chez Sevelnord, c’est donc… le ferrage. Et ça ne changera pas. Les investissements seraient colossaux pour créer une unité d’emboutissage.
Sevelnord emploie environ 2.400 personnes en deux équipes la journée, et une demi-équipe de nuit, instaurée de manière ponctuelle, jusqu’à fin juillet. Sevelnord a compté jusqu’à 4.000 employés.
Environ 470 voitures sont produites chaque jour chez Sevelnord. Une voiture sort des chaînes de montage toutes les deux minutes. Le montage, lui, dure dix heures. Environ 4.000 composants permettent de fabriquer un véhicule.
600.000 pièces arrivent chaque jour chez Sevelnord, ce qui représente un ballet quotidien de 180 camions. Trois cents fournisseurs expéditeurs sont recensés à l’usine.
Pour accueillir le projet K0, un investissement de 80 à 90 M€ est consenti à l’usine Sevelnord, principalement au ferrage. Le process de peinture est lui aussi modernisé. Le montage entre en confidentialité en septembre.