Rétromobile, c’est parti, jusqu’à dimanche soir. Le premier salon français de l’auto ancienne a pris ses quartiers ce mercredi 5 février, dans le Pavillon 1 du parc des expos de la Porte de Versailles, à Paris. Le rendez-vous de l’exception en met encore plein les mirettes cette année. Une édition à revoir, ici et pas ailleurs, en images.
Rétromobile promet toujours le spectacle et une certaine forme d’évasion. Un peu trop tape-à-l’oeil et clinquant, parfois, mais on ne va pas ici refaire le monde de la collection automobile de très haut de gamme. Pour donner le change, les clubs d’amateurs et de passionnés, sans trop de considérations financières, occupent largement le terrain. L’opulence de Rétromobile n’empêche pas certains coups de coeur.
Parmi lesquels cette année la petite expo de Youngtimers sur les trente-cinq ans du Paris-Dakar : la Peugeot 205 T16, bien entendu, et surtout une flopée d’engins d’amateurs qui ont fait la réputation du Paris-Dakar des premières années : la Citroën Visa, le Range Rover, et, cerise sur le capot, deux voitures des frères Marreau : une Renault 4 et une Renault 18 break à moteur V6. Une légende, que ces deux frères au caractère bien trempé, à approcher sans une certaine émotion. Ceux nés à la fin des années 1970 comprendront.
Les Alpine de Jean Rédélé ont aussi de quoi mettre une claque. Par l’hommage rendu au génie de cet homme et de ses équipes, et aussi par le fait que la plupart de ses voitures, qui retracent l’épopée en compétition, sont issues de la collection personnelle de la famille Rédélé, et de celle d’Hervé Charbonneaux. Une occasion unique de les voir réunies, face au public, sous le même toit. On y trouve pêle-mêle une A110 1300 de 1965, une A210 de 1966 engagée en endurance et qui a connu quatre participations aux 24 Heures du Mans, une M64 de 1964, l’incroyable A211 de 1967, avec un V8 de 3.0 l de cylindrée, chronométrée à plus de 300 km/h au Mans…
Les voitures de maharadjas, en voilà une expo insolite ! Ils avaient de l’argent, ils se la pétaient, et le résultat est là, rarement vu en groupe, sous le même, toit. Le comble du kitsch ? Va pour la voiture-cygne, sortie de la collection du Louwman Museum de La Haye. Cette voiture, de 1910, était la création de Robert Nicholl « Scotty » Matthewson, un Ecossais qui vivait à Calcutta (Inde britannique), au début du XXe siècle.
Il l’avait équipée, l’arrière, de fleurs de lotis se terminant en feuille d’or, d’ampoules électriques dans les yeux du cygne, d’un klaxon activé par la pression de l’échappement, dont les huit tons sont manipulés par un clavier à l’arrière. Des balais étaient ajustés pour retirer les déjections des éléphnats sur les pneus. Un télégraphe de bateau permet de donner les ordres au chauffeur. Enfin, le bec du cygne, raccordé au système de refroidissement, crache bruyamment de la vapeur, ce qui effrayait la population locale !
Dès sa première sortie, la voiture a semé la manique, nécessitant l’intervention de la police. Le propriétaire a finalement vendu la voiture au maharadja de Nabha, qui, dans les années 1920, fit construire une « baby swan » électrique, pour circuler sur ses terres.
Certains constructeurs restent fidèles à Rétromobile. Les Français, d’abord, qui jouent à domicile. Citroën et Peugeot, comme d’habitude, réunissent les clubs sous un thème donné : les familiales et les « volumiques » chez Citroën ; les coupés chez Peugeot. Les deux cousins mettent leur histoire en perspective avec leur actu du moment. Le prototype C10, alias la Goutte d’eau (1956), chez Citroën, vaut particulièrement le détour.
Les premiers coups de crayon de la C10 sont donnés en 1953, de la volonté d’André Lefebvre. Quand le proto roulant débarque, en 1956, la DS vient à peine de mettre un coup de pied aux fesses de la planète automobile… Le proto C10 est équipé d’un bicylindre de 425 cm3 (celui de la 2CV) développant 9 ch. La carrosserie en alu s’ouvre par des portes classiques, et le pavillon se lève façon portes papillon. Quatre personnes peuvent être embarquée dans 3,84 m, à une vitesse de 100 km/h, dans un confort que l’on imagine royal, puisque la suspension est hydropneumatique. Une vélocité permise par la légèreté de la voiture : 382 kilos.
Chez Renault, trois anniversaires à fêter : la R8 Gordini, l’Espace et les taxis de la Marne. L’Espace accède au rang de voiture de collection, en fêtant ses trente ans. Et permet de (re)découvrir la déclinaison F1 de 1994, mais aussi le prototype Matra P18, né en 1981, qui a balisé le concept. Le plus amusant, c’est que ce P18 a été réalisé avec quelques éléments de Peugeot et Talbot, puisque la proposition était destiné en priorité à Peugeot ! D’ailleurs, le moteur monté dans le P18 est un 1.472 cm3 issu de la Peugeot 305.
D’habitude visible au magnifique musée Matra de Romorantin-Lanthenay, le P18 se laisse approcher de très près, à Rétromobile. L’occasion de mieux percevoir l’encombrement très limité du projet : 4,18 m de longueur, c’est à peine plus qu’un Renault Captur. La première génération d’Espace produite en série était à peine plus étirée, avec 4,25 m. Aujourd’hui, un Espace de quatrième génération mesure 4,66 m. Autre curiosité, cette fois à bord du P18 : la planche d’abord en partie recouverte de moquette beige, mais aussi de tissu.
Juste à côté du P18 se trouve l’Espace le plus ancien connu à ce jour : un 2000 TSE de présérie, assemblé en octobre 1983, qui porte le numéro 4. Un Espace qui a servi à des essais de roulage par différents services de Renault et de Matra, à des photos en interne, et à des tests de freinage.
Renault profite aussi de l’anniversaire de l’Espace pour montrer un précurseur, le prototype 900, étudié avec Ghia, à moteur arrière, un V8 issu de l’accouplement de deux quatre-cylindres de Dauphine. Ce prototype 900, franchement laid, c’est un peu le design d’une voiture retournée (ce que l’on croit être l’avant est en réalité l’arrière)… mais dont le volant s’escamote pour permettre au conducteur de prendre place !
Porsche a sorti du musée de Stuttgart des voitures de course des 24 Heures du Mans: les 550 Spyder (1954), 917 KH Coupé (1971) et 911 GT1 (1998). Et pour cause : il fait son retour dans la Sarthe en 2014. Compétition également pour Mercedes, qui ressort lui aussi quelques bijoux de circuits : la Grand-Prix (1914), la W 196 R « Stromlinie » (1954), la Sauber-Mercedes C9 (1989) et la F1 Mc Laren-Mercedes MP4-15 (2000).
Skoda, enfin, fête sa quatrième année de présence à Rétromobile avec une mise en scène osée. Le constructeur présente quatre autos qui démontrent le savoir-faire de son musée, situé en République Tchèque : une épave, une auto en cours de restauration (l’incroyable Type 935, unique puisque restée à l’état de prototype), et une restaurée (une Superb à moteur V8 de 4.0 et 96 chevaux des années 1930). « Dans le musée, une salle est consacrée à la restauration« , argumente Xavier Benoit, de Skoda France, conscient d’avoir formulé une demande un peu décalée. Pour lui, montrer la Type 935 est un pari. « C’est forcément une voiture jamais vue« , dit-il. Voilà dix ans que sa restauration est entreprise.
Skoda France a ajouté au plateau sa propre Félicia cabriolet de 1959, rachetée à un concessionnaire Skoda d’Haguenau. La filiale française de Skoda espère aussi, un jour, accueillir une nouvelle pensionnaire dans son garage : un coupé 110 R des années 1970, activement recherché.
Histoire de terminer par la démesure et l’exception, passons chez Lukas Huni AG, qui propose un zoom sur l’histoire de Lancia. Quatorze voitures sont exposées, de la Lambda de 1924 à la Stratos de 1974, en passant par les emblématiques Aurelia et Flaminia. Sentiment étrange que d’embrasser du regard cette riche histoire en pensant à ce qui en reste aujourd’hui, avec une marque qui paraît condamnée.
Autre halte « exception » sur le stand Artcurial. Le « stock » qui sera vendu aux enchères (177 voitures au total, dont dix dépassent le million d’euros) ne peut être approché que contre l’achat du catalogue (80 €), cette année hyper épais : il y a en a pour tous les goûts et presque tous les prix, jusqu’à des estimations à sept chiffres. C’est l’occasion de s’offrir un prototype Citroën Eco 2000 de 1983 (le SA 103), ou encore une ZX Rallye-Raid (estimée de 60 000 à 100 000 €). La vraie Citroën d’exception, à la vente, est le cabriolet SM Mylord de Chapron, estimé entre 400 000 et 600 000 €.
La star du salon dans le salon, c’est une Ferrari 166 MM barquette Oblin de 1953, estimée entre 2,9 et 3,5 M€. Parmi d’autres bijoux : une Alfa Romeo 6C 1750 SS de 1929 (entre 1,4 et 1,8 M€, photo ci-dessus), une Delahaye 135 MS carrossée par Saoutchik (entre 550 et 750 000 €), une Isotta Fraschini Tipo 8A cabrio Ramseier (entre 1,2 et 1,5 M€) ou encore une Delage 8S Pourtout de 1933 (entre 1 et 1,2 M€). Parmi les classiques, on retrouve une bonne vielle Ferrari F40 de 1991. Les amateurs de françaises de compétition pourront craquer pour une Renault 5 turbo Groupe 4 Calberson (Ragnotti), ou une Peugeot 205 T16 Evolution 1 Groupe B usine (Vatanen) de 1984, à condition de disposer d’un budget d’au moins 250 000 €.
La vente Artcurial est aussi l’occasion de voir un garage de rêve : une collection de quarante-quatre Alfa Roméo, à disperser, dont une étonnante Ondine Alfa-Roméo (en réalité une… Renault Ondine) et un troll, l’Arna, produite avec Nissan. Les ventes Artcurial sont programmées les 7 et 8 février.
Restent enfin deux témoins de la folie de quelques hommes : les voitures de records de vitesse de Malcolm Campbell et Thomas Parry. Le deuxième est mort au volant de sa Babs en 1927, après avoir battu un record à plus de 275 km/h en 1926. La Babs était équipée d’un moteur de Bombardier de la Première Guerre mondiale, un V12 Liberty de 27 litres de cylindrée, développant entre 500 et 600 chevaux. Les causes de l’accident, le 3 mars 1927, sur la plage de Pendine, au Pays de Galles, sont inconnues. La voiture a été vue effectuant un long dérapage, s’élavant dans les airs en retombant sur ses roues en flammes. Thomas Parry est tué sur le coup. La Babs a été enterrée sur la plage où l’accident mortel a eu lieu. Sortie du sable quarante-deux ans après l’accident, elle a été entièrement restaurée, et a de nouveau roulé en 1977…
Juste à côté de la Babs, la Sunbeaum Bluebird, née en 1920, qui a battu elle aussi des records de vitesse dans les mains de Malcolm Campbell, avec un moteur 12 cylindres Manitou de 18.300 cm3 et 450 chevaux. Avant lui, la Sunbeam a roulé avec son concepteur, Louis Coatalen, ingénieur motoriste breton chef du bureau d’études chez Sunbeam, et Lee Guiness, qui a battu un record à 216 km/h sur l’autodrome de Brookland en 1922.
Rétromobile, enfin, a rendu hommage aux véhicules de la Grande Guerre, centenaire oblige, dont les fameux taxis de la Marne. Mille trois cents des dix mille taxis qui circulent à Paris sont réquisitionnés par le général Galliéni, pour emmener, dans la nuit du 6 au 7 septembre, 6.000 fantassins vers Nanteuil-le-Haudouin. Au retour des taxis Renault à Paris le 8 septembre, les compagnies dressent la facture, d’après les sommes enregistrées au compteur : 70.000 francs de l’époque, à comparer aux 5.600 francs à payer pour un châssis nu de Renault AG-1. L’Etat a réglé la somme aux compagnies de taxi…
Rétromobile, Paris, Porte de Versailles
Ouvertures
- Mercredi 5 février – 11h à 22h
- Jeudi 6 février – 10h à 19h
- Vendredi 7 février – 10h à 22h
- Samedi 8 février – 10h à 19h
- Dimanche 9 février – 10h à 19h
Tarifs
14 € en prévente sur le site internet
16 € sur le salon
Gratuit pour les enfants de moins de 12 ans