Il y a dix ans, presque jour pour jour, le 28 novembre 2001, était inauguré le Conservatoire Citroën, près de l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois. Pas un musée, mais un site dédié à la conservation de la mémoire de la marque, comme son nom l’indique. Là est entreposée toute l’histoire de l’entreprise, fondée par André Citroën et installée quai de Javel, à Paris, de 1919 à 1982. Des voitures, des maquettes, des archives, des objets liés à la marque. Un endroit en théorie inaccessible, qui conserve l’esprit « grenier ». Les visites, très rares, se transforment en chasse aux trésors. Une découverte précède toujours une autre.
Longtemps, trop longtemps, la collection Citroën est restée inaccessible, sans lieu structuré où la stocker. Un souvenir embarrassant ? Longtemps, très longtemps, les passionnés de la marque ont cru que le passé serait à jamais enfoui. Trop compliqué à affronter. Trop lourd à porter. En ce temps-là, le showroom historique, situé au 42, avenue des Champs Elysées, à Paris, était encore à moitié occupé par une brasserie. Symbole d’une relation compliquée entre Citroën et son héritage.
Or, ce passé foisonnant et créatif a donné à Citroën l’une des plus belles cohortes de collectionneurs et de passionnés au monde. Tous ont rêvé au moins une fois de la création d’un musée à la gloire du double chevron. En 2001, un premier pas est franchi. La collection Citroën se trouve un toit, et 6 500 m2 de surface près de l’usine d’Aulnay-sous-Bois. Frustrant et excitant à la fois, que d’imaginer trois cents voitures et concept cars de la marque disposant d’un début d’écrin. Elles sont trois cents, visibles. Deux cents dorment encore dans les réserves.
Un conservatoire, structuré et symbolisé par un lieu, pour conserver le patrimoine, ça sent de moins en moins comme un reniement du passé. L’année suivante, en 2002, Citroën retient un projet architectural ambitieux pour se réapproprier l’adresse des Champs Elysées. Les signaux sont au vert.
Mais visiter le Conservatoire, reste un privilège : contrairement à ce qui est devenu, en 2007, le C42, sur les Champs-Elysées, il n’est pas conçu pour accueillir le public. Aucune scénographie ne met en valeur les voitures. L’ambiance est plutôt au parking bondé. Chaque mètre carré est exploité. Les voitures sont serrées les unes contre les autres. Peu importe, elles sont là. Le visiteur privilégié peut s’assurer qu’elles sont protégées.
Le Conservatoire est plutôt considéré comme un service interne, chargé de prêter des voitures à des expositions du monde entier, d’entretenir le patrimoine de la marque et la mémoire. « Deux personnes s’occupent de l’entretien courant. Une à deux voitures sont totalement restaurées chaque année. Les voitures ne roulent pas toutes. Elles n’ont pas vocation à rouler, mais à être montrées« , prévient la documentaliste du Conservatoire.
Suffisant, en tout cas, pour attiser la flamme qu’entretiennent les collectionneurs. C’est pourquoi le Conservatoire, grand seigneur, assume le fait de sortir un peu du cadre de sa mission, et d’ouvrir de temps en temps les portes de son usine à rêve à des clubs, notamment.
Ils sont six, au total, à faire tourner la boutique. Le directeur, les documentalistes, conservateurs, mécaniciens… Pas assez , pour accueillir au-delà de 4.000 personnes par an à Aulnay-sous-Bois, par groupes de quarante personnes maximum. L’ouverture au public, même exceptionnelle, se poursuit. Des visites ont été organisées pendant les Journées du Patrimoine 2011. Complètes en un rien de temps. Le comité départemental du tourisme de Seine-Saint-Denis négocie, lui aussi, des visites. Environ une tous les deux mois. Un succès, à chaque fois, malgré un tarif élevé (7 €). Car il n’existe aucun autre lieu au monde où balayer du regard plus de quatre-vingt-dix ans d’une saga automobile hors normes.
Le jour de notre visite, un couple de Slovènes a fait le déplacement, avec sa Xantia. Un visiteur semble trépigner, devant la porte qui sépare le hall d’accueil (où se trouve une ZX compressée par César, et une galerie de moteurs dont certains restés à l’état de prototypes pour la DS) de la caverne d’Ali Baba, sous l’oeil d’André Citroën, ou plutôt de son buste. Ce visiteur impatient pousse un « Ah ! » dès l’ouverture. Pas un « Ah ! » expiré, non. Plutôt un « Ah ! » inspiré. Une bouffée d’émotion ?
Le voyage dans l’histoire doit durer un peu plus d’une heure et demie. Ce sera toujours trop peu, pour passer en revue les trois cents modèles, de la première Type A de 1919 aux concepts cars, qui achèvent la boucle. On se fiera donc aux choix de la documentaliste, qui a sélectionné les modèles les plus représentatifs de la marque. Ouverture au grand public, et pas forcément aux passionnés purs et durs, oblige.
Il y a donc la Type A, « livrée complète avec démarreur électrique, phares et roue de secours« , puis le premier « trésor » : la B2 Caddy Sport Torpédo, produite en 1923 à seulement 200 exemplaires. Le rayon des années folles enferme deux perles : la C4G Roadster de 1932, qui dispose d’une trappe destinée à transporter un club de golf, ou encore une C6 faux cabriolet quatre places de 1929, ayant appartenu à Sacha Guitry. Une voiture à la partie arrière transformée, avec la glace de custode supprimée.
Un coin du Conservatoire réunit la M35, équipée en 1970 du moteur à piston rotatif, et… un hélicoptère Citroën, le RE2 de 1971, lui aussi équipé d’un moteur à piston rotatif de 190 chevaux. Cet hélico a parcouru une centaine d’heures de vol d’essai à La Ferté-Vidame, mais n’a jamais vu le jour.
La révolution Traction-Avant précède l’autre révolution, la TPV. Trois prototypes, dont deux dits « du grenier », retrouvés en 1994 à La Ferté-Vidame, racontent aussi les petites histoires de la grande histoire de Citroën. Des voitures planquées sur une mezzanine murée pour qu’elles ne tombent pas aux mains des Allemands. Oubliées, elles ont été récupérées plus de cinquante ans plus tard, dans leur jus.
Au rayon des drôleries, version 2CV, un proto de 2CV 4X4 de la fin des années 1950, transformé en remorque de mesures dynamométriques, au milieu des années 1960. Le prototype de 2CV Pop, de 1974, a été conçu « sans cahier des charges » : ce devait être une série grand luxe, avec une calandre façon Traction Avant, des marchepieds, un toit en vinyle avec des compas factices, et un moteur de GS.
Le Conservatoire renferme, outre les émouvantes 2CV A de 1939, une autre « relique » qui compte dans l’histoire de Citroën : une DS assemblée à la main par Flaminio Bertoni et André Lefebvre, au « Bocal », le mythique bureau d’études et atelier de Flaminio Bertoni, au 48 de la rue du Théâtre, à Paris. C’est la présérie numéro 31, la DS plus ancienne connue dans le monde, qui date de 1954. Autre DS curieuse, celle de « la paye ». Elle allait d’usine en usine, le coffre chargé de la paye, toutes les quinzaines. Une DS braquée, par la suite escortée par une Dyane, devenue un leurre… puisque c’est elle qui contenait les payes.
A voir, également, les Méhari, dont une version Import US, produite à 992 exemplaires, dont quatre sont encore en France, au regard modifié pour satisfaire les normes locales. Ou encore le prototype C60, de 1960, qui devait prendre place dans la gamme entre l’Ami et la DS. Signé Bertoni, ce proto reprenait la lunette inversée de l’une, et la face avant plongeant de l’autre.
D’autres protos, comme celui de la Visa, ou le Projet L de 1971, préfigurant la CX, dorment au Conservatoire. Le Projet Y2, conçu pour remplacer les Ami 8 et Super, côtoie l’Axel, vilain petit canard très ressemblant. Encore plus étonnants, les concepts Urbain, ou Mini Zup, de 1972 : un prototype de citadine avec cockpit coulissant et amovible, permettant de découvrir la voiture.
La GS X2 « Aux Flèches », elle, est le premier Art car de Citroën, confié en 1976 à Jean-Pierre Lihou, exprimant sa théorie de l’énergétisme avec 73 pots de teintes, et 500 heures de travail. La même année, BMW lançait aussi sa première Art car, mais après Citroën, avec le succès et la reconnaissance que l’on connaît.
Comment ne pas voyager dans les années 1980 sans s’incliner devant les BX ? Une Sport, une GTI, et une 4TC blanche… Une AX Sport blanche, toute neuve, ça ne doit pas laisser insensibles les Youngtimers. Tout comme cette étrange XM, visiblement une proposition de restylage assez ratée, avec redéfinition des flancs, plus lisses, de la face avant, plus globuleuse, et des feux arrières superposés.
Les utilitaires et les Citroën de rallye précèdent, dans cette visite, les concept cars. Le petit roadster rouge Xanthia, reprenant les traits de l’AX, vous vous souvenez ? Et la Karin, de 1981, avec ce toit triangulaire ? La « bulle » Eole, en 1985, chef d’oeuvre (!) d’aérodynamisme… Dommage que la GS Camargue, de Bertone, soit cachée.
Par chance, les Activa sont bien là. La rouge, de 1988, et l’Activa 2 de 1990, à mon sens le plus beau concept car français jamais dévoilé, et qui n’a pas pris une ride malgré ses presque vingt-deux ans. Probablement l’un des plus beaux loupés de Citroën, qui avait là le coupé XM rêvé.
Un peu de place a été faite autour de la pièce maîtresse du Conservatoire : la DS Présidentielle de 1968, immatriculée 1 PR 75, voulue par De Gaulle, carrossée par Chapron et utilisée par Pompidou. Un engin de 6,53 m et 2 660 kilos, qui fait passer le concept C6 Lignage de 1999 pour une gentille ballerine.
Un rapide coup d’oeil sur les étagères remplies de maquettes sorties des centres de style renvoie à cette sempiternelle question : « Pourquoi diable n’existe-t-il pas de musée Citroën ? » « C’est vrai, c’est une question récurrente, que l’on ne m’a pas posée aujourd’hui« , s’étonne la documentaliste et guide d’un jour. Elle ne détient aucune réponse.
Le « Musée » reste encore, peut-être, une question taboue. Sans doute parce qu’un projet se chiffrant à plusieurs millions d’euros passerait assez mal, au moment où PSA annonce 6.000 suppressions de postes en Europe, et un plan d’économies de 800 millions d’euros. En Allemagne, BMW, Mercedes-Benz et Porsche ont choisi cette formule, et on créé ou rénové des musées devenus des attractions touristiques phare à Munich et à Stuttgart. Laissons un peu de temps au temps. La collection dort à l’abri, et c’est déjà un sacré acquis.
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qu’un seul mot, splendide
Un superbe endroit ! Magnifique !
7 euros ce n’est pas bien cher, lorsque l’on paye 35 euros pour visite la collection Renault qui ne présente que des modèles « bâchés » !!!!!
Vous avez raison, Bond174, mon jugement n’est pas très juste : 7 euros (tarif du comité départemental de tourisme 93), ce n’est pas si cher vu la qualité et la quantité de voitures présentées, et vu qu’il s’agit d’une visite guidée. Mais il s’agit d’un hangar, sans mise en valeur des voitures.
A titre de comparaison, il faut débourser 5 euros pour visiter le musée Matra (non guidé) ou la CAAPY, à Poissy (guidé), avec moins de voitures à voir. C’est 8 euros pour visiter l’Aventure Peugeot à Sochaux, ou encore les magnifiques musées Porsche et Mercedes, à Stuttgart. Eux aussi présentent moins de voitures. L’entrée de la Collection Schlumpf, à Mulhouse, c’est 10,50 euros. Et 12 euros l’entrée au Musée BMW, à Munich.
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