Autres temps, autres moeurs. Au même endroit, dix ans auparavant, les autos qui quittaient ces ateliers ne mesuraient pas moins de trois mètres. Mais près de cinq. Point de moteur éléctrique ni de batteries. Mais de gloutons V6 et, surtout, des Turbo diesel de 110 chevaux… La chaîne de montage sur laquelle prend naissance aujourd’hui la Mia Electric, à Cerizay, est celle qui fut le berceau des Citroën XM break, produites par Heuliez. Les chaînes étaient restées inactives, muettes, depuis huit ans. Et voilà que la Mia pointe le bout de son mini capot…
La Mia, c’est l’aboutissement du dernier projet de véhicules électriques signé Heuliez, dès 2008. Un petit monospace urbain dévoilé sous la forme d’une maquette, la Friendly, devenu par la suite une planche de salut pour le carrossier de Cerizay, englué dans des difficultés financières inextricables, et quasiment donné pour mort il y a moins de deux ans. Le petit proto d’auto électrique, habillé de gris et de bleu, est devenu une vraie voiture. Celle en qui Patrick Largeau, le chef de projet, a toujours cru. Les fondamentaux sont restés, entre la Friendly de 2008, et la Mia de 2011. A savoir une voiture entièrement pensée autour de l’électricité, et un concept « en rupture« .
« Ce n’est pas une voiture sans permis. C’est une vraie voiture qui a subi des crash test et qui ont accès à tous types de voies, même les autoroutes« , rassure Patrick Largeau. Les différents crash tests ont envoyé au pilon trente-six voitures. Certaines sont encore conservées dans le bâtiment des essais.
Sur l’autoroute, une Mia n’ira sans doute jamais. Sa vocation, c’est la ville, et sa périphérie, au pire. Trois places dans 2.87 m dans la version de base, et quatre places dans 3,19 m pour la Mia L, une version longue (!). Les mensurations rappellent la Smart. Et pour cause : la puce allemande a servi de référence dans la conception de la puce des Deux-Sèvres.
Les ingénieurs avaient pensé loger dans la Mia quatre places en losange : une centrale à l’avant, deux sur les côtés, et une centrale à l’arrière. « On voulait une voiture tellement différente qu’on a poussé le concept de la rupture jusqu’au bout. Mais on s’est demandé si on mettrait notre enfant sur la place arrière… En cas de choc… » explique Patrick Largeau. L’option de la banquette arrière a été retenue, tout comme la place du conducteur, au centre. Une configuration qui s’accompagne d’un système d’ouverture lui aussi peu courant : les deux portes latérales coulissantes, avec échancrure dans le plancher. Pas le dernier des casse-tête pour un ingénieur qui doit assurer étanchéité, accessibilité, rigidité…
Un choix de conception étroitement lié à celui qui a guidé les ingénieurs quant à la partie mécanique. « On a opté pour le principe d’une voiture légère, pour embarquer le moins de batteries possible« , décrit Patrick Largeau. Lestée de ses batteries, la Mia pèse autour de 850 kilos. Merci la compacité, et les pièces de carrosseries thermoformées.
Pour des raisons de coûts (la Mia est vendue équipée de ses batteries), le moteur acheté à Leroy Somer est alimenté par des batteries au lithium phosphate de fer. Un peu moins performantes que les lithium-ion, concède, du bout de la langue, Patrick Largeau, qui met en avant la plus grande stabilité de cette technologie. « On a fait des tests d’inflammabilité, avec des court-circuits provoqués. On a viré tous les niveaux de sûreté. Le feu se propage lentement. »
A l’usage, les solutions retenues permettraient à la Mia de filer à 105 km/h maxi, et d’aligner entre 80 kilomètres (packs de batteries de 8 Kwh) et 120 kilomètres (équipée de batteries 12 Kwh en option) par charge. Chaque cycle de recharge nécessite entre trois et cinq heures d’immobilisation de la voiture reliée à une prise 220 V. Le design de la voiture, lui, a constamment évolué, par petites touches, sous la houlette de Murat Günak et de David Wilkie. La Mia est plus riche que la Friendly. « On avait une vision plus minimaliste. On était convaincus qu’elle ne devait pas être équipée. On était en rupture avec tout. Il y a plus d’équipement aujourd’hui« , avance Patrick Largeau.
Et dire que tout ce boulot de conception a failli être vain. « En janvier 2010, les véhicules étaient suffisamment validés, on était prêts pour la réalisation de l’outillage, mais on n’avait pas l’argent« , se souvient Patrick Largeau. Le sauvetage de juillet 2010, finalisé avec une une offre de reprise d’Heuliez en deux entités distinctes (BGI pour la sous-traitance industrielle et Mia Electric, soutenue par les Allemands Kohl, ConEnergy et le conseil régional de Poitou-Charentes) a permis de lancer la machine pour de bon.
La première Mia de série est sortie de l’usine le 1er juin. En septembre, l’usine sera en mesure de produire quarante véhicules chaque jour. « On a les capacités pour installer une autre chaîne et arriver à cent voitures par jour« , entrevoit Patrick Largeau, conscient de vivre un moment charnière dans l’histoire de la toute jeune entreprise : « Les voitures sont sur le marché. Au sens du projet, c’est terminé. On produit des voitures. On est dans la phase industrielle. On travaille sur l’avenir. »
L’avenir, dans l’immédiat, c’est la production, sur une chaîne en « U » : les caisses sont ferrées, passées en cataphorèse et peintes chez le voisin Heuliez. Ces « cages » passent chez Mia Electric par une passerelle. Les chassis sont ensuite équipés des faisceaux, de l’habillage intérieur. Un seul robot est utilisé, pour coller les peaux, les pièces de carrosserie en ABS : les faces avant et arrière, puis les parties latérales qui entourent la vitre de custode. Côté trains roulants, rien que du classique, pour une voiture moderne : un Pseudo Mc Pherson à l’avant, et deux demi-trains monobras sans traverse à l’arrière.
La commercialisation bat elle aussi son plein. Aux particuliers, dès septembre (à partir de 15.960 € bonus écologique déduit pour une Mia 8 Kwh avec pack d’équipement réduit baptisé « Pur »), et sans doute à la fin de l’année via Internet. Elle a déjà commencé pour les flottes d’entreprises, et les collectivités et systèmes d’auto-partage. Avec un raisonnement et une argumentation commerciale basés sur les coûts d’utilisation, et pas sur le coût d’achat. Il faudra en déployer, des trésors de pédagogie, pour attirer le chaland malgré un prix facial qui paraît toujours dissuasif.
Dans le bureau d’études (80 personnes sur les 250 que compte Mia Electric), l’heure n’est toujours pas aux doigts de pied en éventail. Mia Electric développe un système de pile à combustible à faible puissance, en guise de range extender, alias un prolongateur d’autonomie en français. Le but : doubler l’autonomie, rien que cela, avec la pile qui alimente les batteries. Les premiers tests de la Mia à pile à combustible pourraient avoir lieu cet automne. Deuxième axe du développement, chez Mia Electric : la création d’une gamme de véhicules électriques. Le prochain rejeton de Cerizay « aura ce point commun avec la Mia sa légèreté par rapport à la concurrence« , selon Patrick Largeau, qui n’est pas à un instant de jubilation près.
Le voilà qui file vers un bâtiment en travaux. Là où étaient assemblés des autobus Heuliez, avant la guerre. Bientôt totalement reconverti en centre de style ultra-moderne, et locaux administratifs. L’histoire industrielle du lieu reste perceptible, avec les charpentes métalliques de toute beauté, intégralement conservées et refaites à neuf, traitées et repeintes. Le plateau tournant intérieur, et la zone d’exposition en plein jour, protégée des regards par un mur en béton, sont toujours vides. Mais il y a là de quoi se projeter. Mia Electric investit dans ce nouvel équipement plusieurs millions d’euros, fort de l’assise financière du groupe Kohl. De quoi recharger pour un moment les batteries des employés du site de Cerizay…
De la Friendly (2008) à la Mia définitive…