Panneaux avant les radars : le gouvernement avance, recule, et l’automobiliste s’y perd

PAR BENOÎT FAUCONNIER

Il n’en a pas fallu beaucoup pour brouiller le message du gouvernement, à défaut de brouiller les signaux des radars. La mortalité en hausse sur les routes ? Et hop, une batterie de mesures balancées à l’issue d’un comité interministériel de la sécurité routière, qui s’est réuni le 11 mai. 

L’arsenal répressif sera renforcé, ce n’est pas une surprise, mais ça devient parfois carrément lourdingue : un excès de vitesse de plus de 50 km/h sera qualifié en délit (bonne chose, si les tribunaux suivent). Les avertisseurs de radar seront interdits. Mille nouveaux radars déployés d’ici fin 2012, et mise en service de radars à partir de véhicules en circulation, ou semi-mobiles.

Dernière décision adoptée sous l’angle « lutte contre la vitesse excessive » : la suppression des panneaux annonçant les radars fixes. Cette mesure a provoqué un certain taullé. Sentiment d’être piégé ? Pas plus que dans le cadre de contrôles de radars mobiles, qui, eux, ne sont pas annoncés.

Deux sentiments contradictoires émergent à la simple lecture de ces mesures anti-vitesse excessive. Les automobilistes se sentent harcelés… et approuvent le fait que la lutte contre l’insécurité routière est nécessaire.

L’automobiliste français est exemplaire, c’est connu. Il n’a rien à se reprocher. Il roule vite, mais il maîtrise. D’ailleurs, rouler vite, il n’a pas le choix, dit-il. Le problème, c’est les autres. Comment lutter contre l’insécurité routière sans analyser son propre comportement ?

Non, l’automobiliste français (certains tout du moins) ne se pliera pas aux limites de vitesse. Point. Le fautif, l’emmerdant, c’est le radar qui contrôle. Pas celui qui roule vite.

Les autorités compétentes, il faut le dire, ne sont pas là pour clarifier les choses. L’épisode de l’enlèvement des panneaux annonçant les radars est devenu grotesque. Et le message est tombé complètement à l’eau. Soixante-treize députés UMP qui bougonnent contre la mesure, et font soit disant remonter la grogne des électeurs, ça fait doucement rigoler.

Ils n’étaient pas aussi émus lors de la réforme des retraites qui a déversé pendant des semaines son lot de manifestants. Pas davantage d’expression lors du débat sur la laïcité, les lois sur l’immigration, le discours de Grenoble. Mais les panneaux, non, on n’y touche pas !

Question argumentation, quelle cacophonie : les automobilistes qui ralentissent aux panneaux, et réaccélèrent après le radar, c’est une réalité. Sans panneaux, attention aux freinages brutaux quand un automobiliste en excès s’apercevra trop tard qu’une cabine radar l’épie. Et si, pour jouer le jeu des radars sans annonces, les autorités compensaient l’enlèvement des panneaux par des rappels réguliers de la vitesse limite ?

Le ministre de l’Intérieur, lui, paraît s’enfoncer dans un dossier non préparé. Mauvais message encore que ce faux pas en arrière, expliquant que de toute façon, les panneaux seront bien enlevés… après avis d’une commission locale.

Et voilà sortis de la manche les radars pédagogiques, qui pourraient remplacer dans certains cas les panneaux. Un machin de plus pour noyer le poisson, au lieu d’assumer clairement la décision d’enlver les panneaux avant radar. Dans l’histoire, le ministre de l’Intérieur n’est pas aidé par son grand patron, le président, qui, en 2007, trouverait « scandaleux » de retirer les panneaux…

La lutte contre l’insécurité routière est-elle à ce point négociable ? Comme d’habitude, la prévention, l’éducation à la conduite passent à la trappe. Trop coûteux, sans doute ? Pas rentable, c’est sûr.

Statistiquement, il y aura bien un moment où ça va coincer. Toujours plus de conducteurs, toujours plus de véhicules en circulation : la baisse continue du nombre d’accidents, de blessés et de morts, sera de plus en plus difficile à tenir, mathématiquement parlant. Sauf à fliquer à tout-va, par les moyens de contrôle les plus simples à mettre en oeuvre, et les plus rentables.

En revanche, scruter les fautes de comportement, déceler les conduites sous l’emprise de l’alcool ou des stupéfiants, c’est pas si simple à mettre en oeuvre, et ça coûte en moyens humains et matériels. Ca existe déjà, mais à des échelles suffisantes ? Aux autorités de faire des choix clairs. Et de les assumer.

Aux conducteurs aussi de savoir ce qu’ils veulent. Tranquilité d’esprit, ou jeu du chat et de la souris avec les forces de l’ordre ? S’estiment-ils toujours plus forts que les radars ? Sont-ils immortels derrière un volant ? Est-ce si vexant de capituler devant les règles en place ?

NB : L’ensemble des mesures prises par le comité interministériel sur la sécurité routière du 11 mai, c’est ici.

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