Casser les codes, briser les tabous. Ce pourrait être la devise de la Tesla Roadster. Comme sa cousine Lotus Elise, elle promet le diable. Une approche sportive sans concessions. Mais sans la mélodie d’un moteur explosif à explosion. Juste à coups de sensations. Et le pire, c’est qu’elle parvient à rendre dingue le plus puriste des bourrins du pied droit, cette Tesla Roadster.
Propulsion électrique : horreur malheur ! Solution technologique identique à celle retenue pour les Citroën Berlingo électrique, et Renault Fluence ZE. Pas bon pour le moral. Ne pas émettre le moindre gramme de C02 à chaque déplacement, c’est un achat de bonne conscience. Pas la promesse de s’enivrer de plaisir. Et là, magie. Plus de place pour le bluff.
Hervé Borgoltz, le PDG de DBT à Brebières (la Douasienne basse tension), spécialiste des bornes de recharge rapides pour véhicules électriques, a bien compris que pour vendre des voitures électriques et des stations de ravitaillement électrique, il faut jouer sur le plaisir, l’attractivité. Si Hervé Borgoltz a acquis une Tesla, c’est qu’elle est, à ses yeux, un investissement de communication, pour développer l’attractivité autour du phénomène électrique, qui compte autant de partisans enthousiastes que de farouches détracteurs.
« Vous voulez essayer ? » Hervé Borgoltz, sûr de son effet, a trouvé la phrase magique. Le moindre refus doit être sanctionné par un aller simple pour l’enfer. C’est dit. Sa proposition tient pour la place du « pilote« , dit-il. Ca veut tout dire. Sur le siège passager, Eric Filip, plus de vingt ans de présence chez DBT, chef d’atelier, se charge de l’encadrement.
On ne monte pas dans une Tesla. On y descend. Difficile de conserver une classe folle pour se « faxer » dans l’habitacle. La faute à un seuil de porte large, et d’un baquet étroit situé encore quelques centimètres plus bas. Déconseillé aux femmes enceintes. L’habitabilité n’est pas le point fort de la Tesla.
La planche de bord dépuillée a au moins le mérite de ne pas déconcentrer le sauvage qui sommeille en celui qui prend en mains le petit volant en cuir. L’auto est déjà sous tension, inaudible. La mise en mouvement ? Simple comme bonjour. Quatre boutons sur la console suffisent pour se décider : neutre, parking, marche arrière et Drive. Vite, vite, vite, le bouton Drive !
Eric Filip n’en finit plus de prévenir : tout doux sur cette voie d’accès bordée de voitures en stationnement de chaqué côté. « Parce que ça part vite« . Le dosage sur l’accélérateur occupe plus l’esprit que le silence total qui règne dans l’habitacle. Si ce n’est ce léger sifflement, pas troublant pour deux ronds. La fermeté de l’amortissement contraste avec l’ambiance sonore très zen. Les bruits de roulement rapellent que la filtration n’est pas vraiment une préoccupation.
L’essentiel, c’est ce qui se passe sous le capot arrière : un moteur électrique de 288 chevaux, au couple disponible immédiatement. La moindre sollicitation se traduit par un coup de pied aux fesses, amplifié par le mouvement de la caisse, qui se cabre. L’amplitude du mouvement est limitée mais perceptible. L’auto passe de 20 à 90 km/h en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire.
Tesla affirme que le 0 à 100 km/h est avalé en 3,7 sec. On les croit sur parole. Accélération linéaire et ébouriffante, en totale contradiction avec le nuveau sonore qui traduit mal cette furie. Une cavalerie silencieuse. Voilà qui rompt radicalement avec plus de cent ans de culture auto sportive qui accordait jusqu’alors une immense importance au bruit.
Voilà qui devient un élément de débat prégnant. Les performances sont là, indiscutables. L’autonomie devient honnête, pour les prestations offertes, ce qui se paye à l’achat. Mais cette quasi absence de bruit ? Quid de la musicalité grisante d’un Flat 6 Porsche ou d’un V8 Ferrari, qui participent à la notion de plaisir, au profit de… rien ? L’argument vaut uniquement dans le monde pas si feutré des supercars.
Pour le reste, la Tesla Roadster conjugue les arguments béton d’une supersportive en matière de poussée, de liaisons au sol. Elle reste la seule alternative crédible, à ce jour, dans la catégorie des supercars à énergie non fossile.
Avant elle, la Venturi Fetish du Monégasque Gildo Pallanca Pastor avait défriché le terrain, proposant des prestations similaires, mais à un tarif délirant : 300.000€ hors taxes. Le prix de l’exclusivité, dans la mesure où dix Fetish sont réalisées chaque année. Chez Tesla, on peut s’offrir une Roadster pour trois fois moins cher : 95.000 € prix plancher. Ca reste une somme. Pour qui n’a pas de soucis de fins de mois, et qui veut rouler différent en s’offrant des coups de pied au fesses pour quelques euros, la cause est entendue.
Les plus intoxiqués au pétrole auront sans doute les moyens de conserver une Porsche 911 ou une petite Aston Martin Virage dans un coin du garage. On ne sait jamais, on ne tourne jamais vraiment le dos à de telles mélodies.