Carton au péage de Fresnes en 2008 : l’erreur humaine en cause, pas le régulateur de vitesse, d’après la justice

PAR BENOÎT FAUCONNIER

Il n’y aura pas de nouvelle « affaire de régulateur de vitesse ». En condamnant hier un homme de 77 ans à quatre mois de suspension de permis de conduire, à 100 € d’amende, le tribunal correctionnel d’Arras n’a pas laissé place à la moindre ambiguïté.

Il a considéré que c’est une erreur humaine, et pas une défaillance mécanique ou technique, qui est à l’origine d’un effroyable accident, survenu le 4 octobre 2008 à la barrière de péage de Fresnes-lès-Montauban, près d’Arras, sur l’autoroute A1.

Ce jour-là, une Citroën C4 Picasso s’encastre dans deux autre voitures, dans une file d’attente au péage, à un peu plus de 100 km/h. Le bilan est miraculeux : cinq blessés (le conducteur du Picasso et sa passagère, et les trois occupants de l’Audi A3 percutée).

A peine sorti de son C4 Picasso, le conducteur explique aux gendarmes qu’il a connu un problème de régulateur de vitesse. La thèse du dysfonctionnement du régulateur a été soutenue devant le tribunal correctionnel d’Arras, le 8 novembre dernier. Le conducteur en question était poursuivi pour « blessures involontaires » et « conduite d’un véhicule à une vitesse excessive eu égard aux circonstances ».

Le 4 octobre 2008, ce couple revient de Tulle, en Corrèze, et regagne son domicile, près de Douai. Depuis Senlis, explique le conducteur, le régulateur de vitesse du C4 Picasso (âgé de cinq mois et un peu plus de 10.000 km au compteur) est calé à 125 km/h. C’est à 800 mètres de la barrière de péage qu’il dit se rendre compte d’un problème.

Selon lui, plusieurs fonctions sont inopérantes : le régulateur de vitesse, impossible à désactiver ; la pédale de freinage, sans effet. « J’ai accéléré, pour tenter de débloquer, ça n’a rien fait » raconte ce retraité. « Il m’a dit : « on n’a plus de freins, on va se tuer » » témoigne son épouse, devant les gendarmes. Personne n’est tué, malgré la violence du choc.

« Il a été conscient de la situation puisqu’il a choisi la file du péage où il y avait le moins de voitures » assure son avocat, Me Emmanuel Riglaire. Pour lui, il y a bien eu un raté technique quelque part. L’expertise de la C4 Picasso ne révèle aucune anomalie.

L’expert conclut à une erreur humaine, s’appuyant notamment sur le fait que la voiture est examinée avec la pédale d’embrayage enfoncée, donc actionnée au moment de l’impact, et que les calculateurs de la voitures ne révèlent aucun désordre. Par ailleurs, la vitesse d’impact (environ 104 km/h) montre qu’il y a eu décélération.

Un rapport d’expertise qui fait bondir Me Riglaire : « l’expert s’est fait assister de Citroën, et on a demandé à l’équipementier qui fabrique les calculateurs électroniques de voir s’il y avait un problème. De quel droit peut-il faire venir de telles personnes alors qu’elles ne sont pas neutres au débat ? L’expert donne les boîtiers au fabricant, lui demandant de voir s’il y a un problème. En terme d’indépendance de la preuve, on a des leçons à prendre de ce dossier. Pourquoi Citroën est là ? Pourquoi Autoliv analyse les boîtiers, et pas quelqu’un de neutre, dégagé du problème ? »

La deuxième charge est sonnée grâce à un courrier émanant de Citroën, envoyé peu de temps après l’accident au propriétaire du C4 Picasso. Une missive relative à… une campagne de rappel touchant les C4 Picasso : «  Il faut procéder au contrôle de la conformité des calculateurs qui peuvent provoquer des dysfonctionnements d’équipements ou des pannes. C’est écrit. Il est écrit, en rouge, que ce courrier concerne la sécurité.  Quels calculateurs ? Je n’en sais rien. L’expert n’a jamais demandé à Citroën de quel calculateur il s’agit, et en quoi ça concerne la sécurité. »

Pour le procureur de la République, qui se retranche derrière le rapport d’expertise, le problème est ailleurs… et plus simple : « Quand vous conduisez avec un régulateur, il peut arriver qu’en cas de freinage d’urgence, on se trompe de pédales. En contact permanent avec les pédales, les réflexes suivent. Mais sans contact, on doit réfléchir pour savoir quelle est la bonne pédale. Je suis conscient que ce genre d’accident, tout le monde peut le commettre. » Et d’estimer que bon nombre d’accidents trouvent leur origine dans la perte de pédales.

Le conducteur n’a pas été davantage accablé par le procureur : « nous faisons la différence entre les accidents causés par des gens sous l’emprise de l’alcool, etc… et les erreurs de conduite.  » Le tribunal ne s’est pas non plus embourbé dans le faux procès des personnes âgées au volant, et a tenu à le faire savoir aux intéressés. Délicate attention. « Ce genre d’accident peut arriver à n’importe qui » a insisté le procureur de la République.

Même apaisant, ce discours ne convient guère au conducteur du C4 Picasso : « Dire que je me suis trompé dans les pédales, ça me reste en travers de la gorge. » D’après le procureur de la République, bon nombre d’accidents seraient causés par des « pertes de pédales » liées à l’utilisation du régulateur de vitesse. Inquiétant, vu le nombre d’autos équipées mises sur le marché. De là à ce qu’on demande aux auto-écoles d’apprendre les jeunes conducteurs à se servir d’un régulateur…

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