PAR BENOÎT FAUCONNIER
Un mois sans crêpage de chignon entre Ségolène Royal et Christian Estrosi, c’est un mois sans que le nom d’Heuliez soit associé à des règlements de compte qui n’apportent rien au sauvetage du carrossier-constructeur de Cerizay.
L’échec de la reprise par Bernard Krief Consulting, et le soufflé retombant de l’arrivée de l’investisseur turc Alphan Manas, laissant Heuliez au point mort, toujours en difficultés financières, ont laissé des goûts amers à Bercy, et en Poitou-Charentes.
Juste après les élections régionales, ne voyant aboutir aucun dossier probant de reprise, chaque camp a fini par tomber bien bas en taclant l’ex-partenaire économique resté adversaire politique. Ségolène Royal avait invité, par écrit, Christian Estrosi à « se taire sur le dossier Heuliez, en arrêtant de communiquer de façon désordonnée. » « La sérénité de l’entreprise et le sérieux examen des offres est incompatible avec l’exploitation médiatique« , avait-elle estimé. Ce à quoi le ministre chargé de l’Industrie avait répondu en dénonçant « une lourde responsabilité de Ségolène Royal« . Depuis, c’est le quasi silence radio politico-médiatique, et les propositions de reprise d’Heuliez ont continué à être examinées. Qui s’en plaindra ?
Les effets d’annonce et espoirs déçus ont fait passer les « annonçeurs » pour des rigolos ou, au mieux, pour des distributeurs de perfusions pré-électorales. Chacun a vendu la caisse de l’Heuliez Mia avant de l’avoir fabriquée. Dès l’arrivée de BKC, l’année dernière, Ségolène Royal avait estimé Heuliez sauvé. Et puis, retour à la case départ en raison de promesses non tenues par un PDG par ailleurs député UMP, devenu quelque peu encombrant du côté de Bercy.
Fin février, Estrosi avait dégainé, affirmant avoir trouvé le sauveteur miracle : Alphan Manas, qui, après avoir repoussé son engagement, a formulé une proposition incitant Estrosi à se raviser aussi vite sur le prétendu sauvetage.
Conclusion : Heuliez a été autant incarné par Estrosi que par Royal. Une politisation du dossier malvenue, éloignant l’entreprise de la sérénité nécessaire dans une telle période. D’autant que l’implication du milieu politique n’est pas de nature à rassurer les éventuels repreneurs étrangers.
Autant de sorties qui ont également troublé la crédibilité d’Heuliez vis-à-vis du grand public. L’image d’Heuliez a été écornée aussi bien par les propres difficultés de l’entreprise que par une « communication » politique imprudente. D’où le fameux quasi silence radio, depuis ?
Sur le terrain purement économique, quatre pistes de reprise se sont dessinées après l’accalmie politico-médiatique : celle d’un fonds américain, celle d’un fonds asiatico-allemand, celle d’une révision de l’offre d’Alphan Manas. Et enfin, dans une moindre mesure, un projets d’industriels français.
La piste américaine semblait tenir la corde. Mais la montre jouant contre Heuliez, l’entreprise avait décidé de déposer ce jeudi 6 mai, devant le tribunal de commerce de Niort, une demande de placement en redressement judiciaire. Procédure qui permettait de payer les fournisseurs, de payer le personnel, grâce aux assurances garantie salaires, et de disposer d’un peu de temps pour finaliser les discussions avec les repreneurs potentiels.
Mais ce jeudi même, la direction d’Heuliez a fait machine arrière, renonçant (provisoirement ?) à sa demande de placement en redressement judiciaire. La raison ? Des « éléments nouveaux » espérés positifs, probablement autour d’un dossier de reprise. L’idéal étant, cette fois-ci, de prier les animaux politiques de rester dans leur cage. Et laisser les processus économiques aller jusqu’à leur terme. Dans un sens, ou dans l’autre.